mardi 22 décembre 2015

Canada-Colombie, un essai d'histoire comparative


«Pourquoi une histoire comparative ? (Afin d’acquérir) une image plus précise de soi dans le miroir de l’autre»
Gérard Bouchard : «Genèse des nations et cultures du Nouveau-Monde», p.42




Samuel de Champlain et Rodrigo de Bastidas,
deux fondateurs aux prises avec une rébellion


Rodrigo de Bastidas, fondateur de Santa Marta, la plus ancienne ville de Colombie encore existante, a dû faire face à une rébellion de ses subordonnés à la suite de laquelle il fut si grièvement blessé qu’il en décéda un mois plus tard en juillet 1527.

Samuel de Champlain, fondateur de la ville de Québec, le plus ancien établissement permanent du Canada a dû faire face à une révolte de ses subalternes qu’il a violemment réprimée en faisant exécuter le chef des mutins à la fin de l’été 1608.   

Dans le but d’aider les lecteurs qui auraient besoin de rafraîchir leurs connaissances des événements qui ont précédé la fondation des villes de Québec et de Santa Marta, j’ai joint un bref récapitulatif pour chacun des deux chapitres qui constituent la structure binaire de mon exposé. Ces quatre textes forment les quatre chapitres de cet ouvrage. 

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Événements qui ont précédé la fondation de la ville de Québec
 

François 1er, qui régna de 1515 à 1547, était conscient du retard de la France dans l’établissement de colonies en Amérique. En 1524, il commandita une expédition conduite par Giovanni Verrazano qui explora les côtes de ce continent de la Caroline du Nord à Terre-Neuve. Trop accaparé par le conflit qui l’opposait à Charles-Quint sur le vieux continent, il ne donna pas immédiatement suite à l’expérience. Ce n’est qu’en 1534 qu’il mandata Jacques Cartier pour organiser une expédition ayant pour but de trouver un passage vers l’Asie en explorant la région située à l’ouest des Grands Bancs de Terre-Neuve. Une partie du monde que des navires français, anglais, portugais et espagnols fréquentaient déjà depuis plusieurs années afin de se livrer à la pêche à la morue.

Lors de son premier voyage dans les eaux du golfe Saint-Laurent, Cartier prit possession du territoire qui allait devenir la Nouvelle-France en plantant une croix à Gaspé. Au cours d’un second voyage (1535-1536), il remonta le fleuve jusqu’au site où s’érigera plus tard Montréal. Il passa ensuite un hiver très difficile à Québec au cours duquel le quart de ses hommes moururent du scorbut avant de retourner en France dès le printemps venu. Il revint cinq ans plus tard pour tenter d’établir une colonie permanente, mais ce fut un échec faute de moyens suffisants pour financer l’entreprise. Tous les colons furent rapatriés en France en 1543.

Dans les décennies suivantes, aux prises avec une guerre de religion, la France n’a pas été en mesure de fournir un effort de colonisation. Ce n’a toutefois pas empêché des protestants (huguenots) d’essayer de s’établir au Brésil (1555-1560), en Caroline du Sud (1562-1563) et au nord de la Floride (1564-1565), mais toutes ces tentatives échouèrent. En 1597, une implantation fut tentée sur l’île de Sable au large de la Nouvelle-Écosse. Elle fut elle aussi un désastre. Toutes ces expériences avaient les mêmes défauts : mal commandées, mal préparées et mal approvisionnées en nourriture, ce qui engendra désordres, mutineries et mauvaises relations avec les aborigènes.

Avec l’arrivée au pouvoir d’Henri IV, en 1589, la situation politique se stabilise en France et des conditions favorables à la fondation de la Nouvelle-France se mettent en place. Comme le commerce des fourrures dans la vallée du Saint-Laurent avait pris de l’ampleur au cours de la deuxième partie du XVIe siècle, il s’avérait de plus en plus impératif d’y établir une colonie permanente autosuffisante à même de devenir une source de revenus pour la Couronne. Une tentative d’établissement est menée à Tadoussac en 1600. Des seize hommes qui y passèrent l’hiver, seulement cinq survécurent et le site fut par la suite abandonné.

En 1603, une mission commerciale et exploratoire composée de trois navires investit à nouveau le site de Tadoussac, mais le quitte une fois l’automne venu, les cales remplies de poissons et de fourrures. Ses organisateurs décident ensuite de tenter leur chance en Acadie où il croyait pouvoir bénéficier d’un climat plus doux. Un premier hiver (1604-1605) sur l’île Sainte-Croix, située à l’embouchure de la rivière du même nom qui sert aujourd’hui de frontière entre l’état du Maine et la province du Nouveau-Brunswick, s’avéra une catastrophe. Trente-cinq des soixante-dix-neuf colons périrent du scorbut au cours de l’hiver. Le site fut abandonné et la colonie déménagea ses pénates vers Port-Royal, un havre sur la côte atlantique de l’actuelle Nouvelle-Écosse. Pour la première fois, l’hibernation en sol canadien fut un succès, et cela pendant deux années consécutives. Malheureusement, la colonie dut être abandonnée en 1607, le consortium financier qui la soutenait ayant fait faillite.

Toutes les colonies françaises en Amérique du Nord avaient donc échoué, mais Samuel de Champlain, qui avait participé à l’expédition de Tadoussac et aux tentatives de l’île Sainte-Croix et de Port-Royal, croyait toujours qu’il était possible d’établir une colonie dans la vallée du Saint-Laurent. Il estimait en effet qu’il y avait plus de quatre-vingts navires qui pratiquaient la traite des fourrures dans la vallée du Saint-Laurent, car elle était au coeur d’un riche réseau d’échanges amérindiens s’étendant sur tout le continent. Selon lui, il suffirait qu’une compagnie obtienne des droits exclusifs sur ce commerce pour qu’elle soit capable de financer un établissement permanent. Il défendit sa cause devant le roi et finit par obtenir gain de cause. La conjoncture lui était en effet favorable, car les Anglais venaient de fonder des colonies en Virginie et au Maine, et Henri IV s’inquiétait pour l’avenir de ses droits sur l’Amérique du Nord. Il ne faisait aucun doute que le meilleur moyen d’assurer la mainmise française sur ce territoire était d’établir une colonie permanente. Des fonds, quoique modestes, furent accordés à Champlain. Cependant, le monopole absolu sur la traite des fourrures qu’il obtint n’était que d’une durée d’un an, ce qui était nettement insuffisant et présageait un avenir difficile.  


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La rébellion contre Champlain




En arrivant à Tadoussac le premier en mai 1608, Pont-Gravé, l’associé de Champlain, fort des privilèges accordés par le roi, engagea le combat avec un navire basque qui trafiquait des fourrures illégalement. Du côté français, la bataille fit un mort et trois blessés, dont Pont-Gravé, blessé gravement. Les Basques avaient désarmé le navire français et retenaient son commandant prisonnier. Arrivé plus tard, en juin, Champlain, habile négociateur, conclut une entente avec les Basques selon laquelle ils pouvaient, en toute légalité, chasser la baleine.  

Pont-Gravé resta à Tadoussac pour trafiquer des fourrures avec les Montagnais tandis que Champlain s’embarqua à bord d’une barque pour remonter le fleuve jusqu’à Québec. Il y accosta le 3 juillet et commença aussitôt la construction d’une habitation ceinturée d’une palissade. La trentaine d’hommes qui composaient sa troupe était des artisans et des ouvriers engagés à forfait pour deux ans : charpentiers, maçons, forgerons, bûcherons, etc. Il n’y avait pas de femmes, ni de soldats parmi eux, ni non plus de religieux. 

Une course contre le temps s’engagea alors afin que tout soit prêt avant l’arrivée de l’hiver. Champlain ne laissait aucun répit à ses gens et la nourriture était de mauvaise qualité. Les hommes commencèrent à s’agiter.

À la fin de l’été, quatre d’entre eux fomentèrent une révolte. Un armurier, Duval, convainquit trois autres ouvriers de se joindre à lui pour assassiner Champlain. Ils comptaient ensuite aller rejoindre les Basques pour s’associer avec eux et faire fortune dans la traite des fourrures. D’autres ouvriers les appuyaient. Même un des valets de Champlain se joignit à eux.

La veille du jour choisi pour passer à l’acte, une barque arriva de Tadoussac avec des provisions. Son capitaine était très respecté par les colons et l’un des conjurés vint lui révéler le complot tramé contre Champlain. L’officier alla aussitôt prévenir Champlain.

Les quatre meneurs furent immédiatement arrêtés et mis aux fers.

Champlain, entouré par le capitaine de la barque et ses hommes, fortement armés, convoqua les colons et leur annonça que Duval et ses complices avaient été faits prisonniers. Il leur promit qu’il allait leur pardonner à la condition qu’ils lui disent toute la vérité. Tous avouèrent et dénoncèrent les meneurs.

Champlain partit ensuite pour Tadoussac, amenant avec eux les quatre conspirateurs. Ayant rejoint Pont-Gravé, maintenant rétabli de ses blessures, il revint à Québec avec une troupe plus nombreuse et bien armée.

Ils constituèrent un tribunal disciplinaire selon les règles de la marine. Duval fut condamné à mort et ses trois complices ramenés en France pour y être jugés par les tribunaux royaux.

Duval fut pendu, sa tête mise au bout d’une pique et plantée sur la palissade du fort.

Ce n’était pas la première fois qu’une colonie française naissante était le théâtre d’une mutinerie. À plusieurs occasions, des événements semblables avaient mis un terme à l’expérience, que ce soit à Charlesfort en Caroline du Sud, à Fort Caroline en Floride ou à l’île de Sable en Nouvelle-Écosse. Champlain était bien informé de ce problème, ce qui explique la fermeté de sa réaction. 

L’hiver 1608-1609 fut difficile à Québec: seulement huit de ses vingt-huit habitants survécurent, les autres étant décédés à cause du scorbut ou de la dysenterie. Mais, au printemps, seize hommes arrivèrent en renfort, assurant ainsi l’avenir de la nouvelle colonie. Un avenir qui fut cependant longtemps fragile, les Français ne se bousculant pas pour monter à bord des navires en partance pour le Canada. Entre 1608 et 1640, seulement 296 firent le pas et 964 au cours des deux décennies suivantes, s’établissant dans l’une ou l’autre des trois villes établies dans la vallée du Saint-Laurent : Québec, Trois-Rivières (fondée en 1634) et Montréal (fondée en 1642). Si la ville de Québec et ses environs comptaient 1 600 habitants en 1663, c’était surtout grâce à l’accroissement naturel. Cette année-là, 2 500 personnes d’origine européenne vivaient en Nouvelle-France alors que la population d’origine européenne de la Nouvelle-Angleterre atteignait 80 000 âmes.   

Ce n’est qu’avec l’arrivée sur le trône de Louis XIV que la situation changea. Le jeune roi comprenait que la prospérité de la Nouvelle-France pouvait contribuer à la puissance de son royaume. Il y consacra de fortes sommes et tout en prenant des mesures pour favoriser l’immigration il y envoya un régiment d’élite qui allait marquer un tournant majeur dans l’histoire de la colonie. 


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  Événements qui ont précédé la fondation de Santa Marta



Suite au premier voyage de Christophe Colomb en 1492, les Espagnols se consacrèrent à explorer, conquérir et coloniser l’île d’Hispaniola (site des actuelles République d’Haïti et République Dominicaine) pendant une quinzaine d’années avant de se lancer à la conquête des îles voisines : Porto-Rico en 1508, la Jamaïque en 1509, Cuba en 1511. Au cours de cette même période, l’exploration des côtes des territoires situés plus au sud (les actuels Venezuela, Colombie et Panama), qu’ils nommèrent Terre Ferme, s’est poursuivie. Cependant, aucune tentative d’établissement ne s’y est effectuée avant la fondation de Santa Maria de la Antigua en 1510. 

Il faut dire que, même si l’objectif initial de Colomb avait été de découvrir une route qui menait aux Indes et non pas de fonder des colonies, le fait qu’il avait ramené de l’or dès son premier voyage avait fait en sorte que des centaines d’aventuriers s’étaient alors rués sur l’île d’Hispaniola en espérant y faire facilement fortune. Dès son deuxième voyage, en 1593, 1 200 Espagnols l’accompagnaient et des milliers d’autres firent de même au cours de la décennie qui suivit. La totalité des objets en or que les indigènes taïnos avaient accumulés au cours des siècles fut rapidement saisie et les envahisseurs se mirent ensuite à la recherche des sources du précieux métal, en l’occurrence certaines rivières où il pouvait se trouver sous forme de paillettes en tamisant le sable et les graviers de leur lit. Comme cette technique d’exploitation exigeait un éreintant travail que les Espagnols n’étaient pas eux-mêmes disposés à effectuer, ils demandèrent et obtinrent la permission d’obliger les indigènes à travailler pour eux. Les corvées qui leur furent alors imposées étaient si dures qu’en s’ajoutant aux mauvais traitements, aux maladies qu’ils leur transmettaient ainsi qu’aux mortalités subies au cours de la répression de leurs vaines tentatives de rébellion, elles causèrent une rapide et dramatique diminution de leur nombre jusqu’à leur extinction presque complète au bout de trente ans. Confrontés à une pénurie de main-d’oeuvre, les exploitants se tournèrent alors vers les populations des îles environnantes ainsi que vers les côtes de la Terre Ferme afin de s’y approvisionner en esclaves tout en en profitant pour se saisir de tout l’or qu’ils pouvaient y trouver.

Christophe Colomb avait parcouru la côte de l’actuel Venezuela en 1498 à l’occasion de son troisième voyage. L’année suivante, la Couronne espagnole, soucieuse de limiter les avantages qu’elle lui avait trop généreusement accordés, confia à Alonso de Ojeda la mission de reprendre l’exploration entreprise par Colomb là où celui-ci l’avait abandonnée. Ojeda se rendit ainsi du golfe de Paria jusqu’au cap de la Vela qui fait aujourd’hui partie du territoire colombien.

En 1501, c’est au tour de Rodrigo de Bastidas d’obtenir de la Couronne la permission d’explorer la côte à partir de l’endroit où s’était arrêté Ojeda, le cap de la Vela, en se dirigeant vers l’ouest. Il explora les baies de Santa Marta, de Cartagena et d’Uraba, ainsi qu’une partie de la côte de l’isthme de Panama.

En 1502, Alonso de Ojeda revint dans la région avec la mission d’établir une colonie permanente sur les côtes de la péninsule de La Guajira, mais il se contenta de commercer avec les autochtones.

En 1503, les indigènes de la région de Cartagena furent déclarés «caribes» par la reine Isabelle de Castille, c’est-à-dire qu’ils pouvaient être capturés et mis en esclavage parce qu’ils auraient refusé de se soumettre à la Couronne et qu’ils auraient repoussé la doctrine de l’Église. Nul ne sait sur quelles bases s’est appuyée cette décision. Il en résulta que la région fut désormais le théâtre d’une chasse aux esclaves qui se poursuivit pendant plusieurs décennies. 

Ces premières expéditions furent pacifiques et marquées par de fructueux échanges entre les autochtones et les explorateurs. Ceux-ci y troquèrent de petits objets sans grandes valeurs : tissus, peignes, ciseaux, outils, couteaux, haches, etc., contre des perles et des bijoux ornementaux en or faisant en sorte que leurs entreprises furent des plus rentables. Les expéditions suivantes, bien qu’ayant officiellement comme objectif de commercer, se caractérisèrent surtout par le pillage et la capture d’indigènes dans le but de les vendre comme esclave à Santo-Domingo. Ces rafles pouvaient atteindre des centaines d’individus. Juan de la Cosa, entre autres, s’empara en 1504 de plus de six cents habitants de l’île de Codego (Cartegena) en plus de s’attaquer à plusieurs villages de la côte où il mit la main sur une certaine quantité d’or. D’autres expéditions semblables suivirent.

En 1508, craignant que d’autres puissances européennes lui contestent les droits que la papauté lui avait accordés sur ce territoire, la Couronne espagnole ordonna la création  de deux gouvernements sur la Terre Ferme: celle de Veraga, qui comprenait tout le territoire encore très peu connu situé à l’ouest du golfe de Uraba, et celle de la Nouvelle-Andalousie, qui comprenait tout le territoire situé à l’est du golfe d’Uraba jusqu’au cap de la Vela. Diego de Nicuesa fut nommé gouverneur de la province de Veraga et Alonso de Ojeda de celle de la Nouvelle- Andalousie.

Arrivé près de Cartegena en 1509 avec trois cents hommes, Alonso de Ojeda se heurta à une vive résistance de la part des indigènes. Il perdit soixante-dix hommes et fut lui-même gravement blessé dans un premier engagement. Peu après, Nicuesa, en route pour la province pour laquelle il avait obtenu le titre de gouverneur arriva avec huit cents hommes. Les deux gouverneurs unirent leur force pour venger la défaite précédente, capturant quatre cents esclaves et massacrant une multitude d’autres habitants.

Nicuesa poursuivit sa route vers le territoire qui lui avait été accordé pendant que  Ojeda se dirigea vers le golfe de Uraba où il érigea un fortin et fonda San Sebastian de Uraba le 20 janvier 1510. Affaiblie, manquant de nourriture, sans cesse harcelée par des indigènes hostiles, la troupe de Ojeda n’était plus composée que de quatre-vingts hommes. Voyant cela, Ojeda décida d’aller chercher de l’aide à Santo-Domingo laissant un simple soldat nommé Francisco Pizarro, qui pour la première fois faisait son apparition dans l’Histoire, commander la garnison de San Sebastian. Celle-ci tint le fort pendant six mois. Puis, n’ayant pas de nouvelles de Ojeda et mourant de faim, les quarante-deux survivants décidèrent de retourner eux aussi à Santo Domingo. En cours de route, ils rencontrèrent des renforts envoyés par Ojeda. Ils revinrent tous ensemble vers San Sebastian, mais en chemin le navire qui transportait leur approvisionnement s’échoua et toute sa cargaison fut perdue. De plus, le fortin de San Sebastian avait été rasé par les indigènes pendant leur absence. Ne sachant que faire, ils prêtèrent alors oreilles aux dires d’un certain Vasco Nunez de Balboa qui faisait partie des hommes fraîchement arrivés. Balboa leur rappela qu’une dizaine d’années auparavant l’expédition de Batisdas, dont il faisait partie, était venue jusque dans ces parages et avait découvert un site propice à une colonie sur la rive occidentale du golfe. N’ayant rien à perdre, ils décidèrent d’effectuer la traversée, trouvèrent le site et soumirent avec facilité les peuplades qui l’entouraient, car celles-ci n’étaient pas aussi belliqueuses que celles de la région de Cartagena. Ils fondèrent ensuite une ville qu’ils nommèrent Santa Maria la Antigua del Darién et choisirent Balboa comme alcade (maire).

Quant à Nicuesa, il s’était établi plus au nord dans la région de Veragua au Panama et il avait en peu de temps perdu la presque totalité de sa troupe, décimée par la faim et la maladie. Quand il eut vent de l’établissement de Santa Maria et il vint en réclamer la gouvernance. Il l’obtint, mais après quelques jours les habitants de la ville se soulevèrent contre lui, s’en emparèrent et l’embarquèrent de force sur un navire complètement délabré. On n’eut jamais plus de nouvelles de lui. L’embarcation disparut en mer alors qu’elle faisait route vers Santo Domingo.

La nouvelle ville, renforcée par de nouveaux immigrants en provenance de Santo Domingo, prospéra rapidement, atteignant très rapidement le nombre de six cents habitants. Balboa s’avéra en effet être un excellent dirigeant. Il avait compris qu’aucune colonie ne pouvait subsister sans l’appui des populations indigènes. Il interdit leur mise en esclavage, préférant profiter de leur système de gouvernance, les caciques, pour exploiter leur force de travail. Sous son commandement, l’agriculture et l’exploitation des mines se développèrent. Devant le fait accompli et les succès obtenus, la Couronne espagnole lui accorda le titre de Capitaine du Darién. C’est en poursuivant l’exploration du territoire qu’on venait de lui accorder qu’il découvrit l’océan Pacifique le 27 septembre 1513.

Devant les merveilles décrites par Balboa pour légitimer son pouvoir, la Couronne décida de créer une nouvelle juridiction qu’elle appela Castilla del Oro et elle nomma un vieil aristocrate, Pedrarias Davila, comme gouverneur. La nouvelle province couvrait tout le territoire antérieurement divisé entre la province de la Nouvelle-Andalousie et la province de Veragua. Une armada, entièrement financée par la Couronne et transportant de mille cinq cents à deux mille hommes, débarqua à Santa Maria de la Antigua del Darién en 1514. 

L’arrivée subite d’une telle quantité d’hommes déstabilisa le précaire équilibre socio-économique de la ville. Ce fut l’un des plus grands désastres de l’histoire de la conquête. En peu de temps, la faim fit son apparition, pendant que les fonctionnaires royaux spéculaient sur les réserves alimentaires. Les relations avec les indigènes, relativement bonnes sous le commandement de Balboa, se détériorèrent et leur désertion entraîna une encore plus grande famine, car c’était sur leur travail que reposait le ravitaillement en aliments frais de la colonie. Dès février 1515, il ne restait plus que la moitié des hommes composant l’expédition de Pedrarias, l’autre moitié reposait au cimetière, morts de faim ou de maladies. Les survivants se lancèrent dans une série de razzias à travers toute la région à la recherche d’or et de nourriture. Balboa, toujours populaire, fut accusé de trahison et exécuté.

Pedrarias fonda la ville de Panama en 1519 et le site de Santa Maria de la Antigua del Darién fut abandonné en 1524. Peu après Pedrarias fut démis de ses fonctions et la Castilla del Oro démembrée. La population indigène de l’isthme de Panama, déjà clairsemée avant l’arrivée des Espagnoles, avait presque totalement disparue, décimée par les razzias esclavagistes et les combats qu’elle avait menés pour se défendre. Quant aux régions côtières entourant Cartagena et Santa Marta elles avaient été négligées, abandonnées à elles-mêmes, car la découverte de l’océan Pacifique avait donné une impulsion nouvelle aux explorations lancées à la recherche d’un passage vers l’Asie à travers l’Amérique centrale.

La conquête du Mexique par Hernan Cortés de 1519 à 1521 et la perspective de pouvoir y développer une riche colonie en profitant du travail de ses nombreux habitants va changer la conjoncture et pousser la Couronne espagnole à abandonner sa politique de pillage sur la côte de la Terre Ferme pour plutôt favoriser la recherche d’un système de domination permanent sur sa population aborigène.

C’est dans cette optique que Rodrigo de Bastida, le chef de l’expédition qui avait exploré cette région en 1501, fut nommé gouverneur de Santa Marta en 1525 avec l’ordre d’aller s’y établir avec au moins cinquante colons dont quinze devaient être accompagnés de leur épouse. Il devait aussi y amener deux cents vaches, trois cents porcs et vingt-cinq juments. La province de Santa Marta ainsi créée s’étendait du cap de la Vela à l’est jusqu’à l’embouchure du fleuve Magdalena à l’ouest, un fleuve qu’à l’époque on appelait Rio Grande. 



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La rébellion contre Rodrigo de Bastida


Bastida, qui s’était installé à Santo Domingo après avoir conduit en 1501 la première expédition d’exploration de la côte de la Terre Ferme du cap de la Vela à l’isthme de Panama, était devenu un riche commerçant et propriétaire terrien à Santo Domingo. Il débarqua dans la baie de Santa Marta en juin 1526 avec deux cent quatre-vingts hommes. Il ne semble pas que des femmes ou des animaux de ferme faisaient partie de ce premier débarquement. Ils y trouvèrent un village de pêcheurs constitué de cases de pailles dont ils s’emparèrent pour s’en servir comme habitations. La ville de Santa Marta fut alors officiellement fondée.

Contrairement aux «Capitulations» (une forme de contrat et d’obligations réciproques entre la Couronne espagnole et un particulier) précédentes concernant le Nouveau-Monde, celle de Rodrigo Bastida ne faisait aucune mention d’exploration ou de conquête, elle traitait plutôt de colonisation. Toutefois, elle reprenait la forme habituelle selon laquelle les autochtones étaient considérés comme des hommes libres vassaux de la Couronne auxquels on devait enseigner la religion chrétienne. Dans le cas où ils n’accepteraient pas de commercer ou voudraient empêcher l’installation des chrétiens sur leurs terres et refuseraient d’être évangélisés, ils pourraient alors être mis en esclavage. En pratique, ces normes laissaient les Espagnols libres d’agir comme ils l’entendaient, car il était facile de les interpréter de façon à ce que tous les indigènes puissent être considérés comme des esclaves potentiels.   

Bien que le premier gouverneur de Santa Marta s’est mérité le respect de plusieurs chroniqueurs de l’époque pour son attitude bienveillante envers les indigènes, rejoignant ainsi l’opinion de Bartolomé de Las Casas pourtant peu enclin à être indulgent envers les conquistadors, la première initiative de Bastida fut d’envoyer un de ses capitaines capturer des indigènes dans la région de Cartagena afin d’aller les vendre comme esclaves à Santo Domingo. C’est qu’il s’était lourdement endetté pour financer le transport de son entreprise et il comptait ainsi en rembourser une partie. Il faut noter cependant qu’il interdit à sa troupe de mener des expéditions semblables sur le territoire qui était sous sa juridiction.

Dans les mois qui suivirent, il s’employa à se lier d’amitié avec les habitants des villages qui entouraient Santa Marta en commerçant avec eux et en empêchant qu’ils soient   maltraités ou volés par sa troupe. De toute évidence, il voulait respecter son engagement de coloniser la région, car l’une des plus importantes conditions pour assurer la survie et le développement d’une colonie résidait dans la présence d’une nombreuse population indigène qui pouvait servir de main-d’oeuvre bon marché et assurer l’approvisionnement des colons en farine de maïs et de yucca. Le problème était que son point de vue n’était pas partagé par ses subalternes.

La plus grande partie de ceux qu’il avait amenés de Santo Domingo ne correspondait pas du tout au profil du colon bâtisseur. Il s’agissait de vétérans de la guerre de conquête du Mexique qui revenus à Santo Domingo attendaient une opportunité pour s’engager dans une autre expédition. Tout ce qui les intéressait était de mettre la main sur de l’or afin de s’enrichir rapidement et retourner en Espagne. Il faut savoir cependant que les indigènes de la côte de la Terre Ferme avaient beau posséder certains objets ornementaux en or, ils n’en produisaient pas. Celui-ci était le fruit d’échanges séculaires avec des peuples habitant à l’intérieur des terres, personne ne sachant exactement où. Cette relative rareté de l’or entraînait une grande frustration parmi les compagnons de Bastida. 

Les échanges commerciaux ainsi que le versement d’un tribut par quelques villages indigènes voisins de Santa Marta rapportèrent quelques milliers de pesos d’or que Bastida refusa encore une fois de partager avec ses gens, car sa priorité était toujours de rembourser ses dettes. De plus, il leur vendait à des prix exorbitants le ravitaillement qu’il recevait de Santo Domingo. Comme ces hommes n’avaient pas de revenus, ils devaient s’endetter envers lui pour se nourrir sans espoir de pouvoir le rembourser un jour.

Le mécontentement contre le gouverneur ne cessa d’augmenter jusqu’à ce que, en mai 1527, un groupe de mutins menés par Villafuerte, le bras droit Bastida secondé par six des neuf capitaines de la colonie, tenta de l’assassiner à coups de couteau alors qu’il dormait dans son lit. Le croyant mort, ils le laissèrent étendu sur le sol et quittèrent la cabane qui lui servait de résidence. Bastida se mit alors à crier pour demander de l’aide. Parmi ceux qui vinrent à son secours se trouvait un nommé Rodrigo Palomino, un vétéran de la conquête du Mexique. Se rendant compte que le gouverneur n’était pas mort, Villafuerte s’approcha de la cabane dans le but d’y pénétrer pour l’achever, mais Palomino, posté devant la porte, s’y opposa. Les deux hommes se défièrent sans toutefois en venir à se battre. Devant la détermination de Palomino, Villafuerte recula et parcourut les rues de la ville en tentant de rallier le plus d’hommes possible à sa cause. En entendant toutes ces clameurs, Bastida reprit conscience et s’informa de ce qui se passait. Mis au courant, il fit venir Palomino auprès de lui pour le remercier et il lui donna le pouvoir en le nommant capitaine général de la colonie, ordonnant à tous de lui obéir.

Palomino, fort de la légalité de sa position, réussit à réunir autour de lui plus de partisans que Villafuerte. Constatant sa position de faiblesse, celui-ci jugea préférable de s’enfuir dans la montagne avec ses partisans, où ils cherchèrent à s’allier avec des villages indigènes, mais ceux-ci les repoussèrent.

Un mois plus tard, Bastida, souffrant toujours de ses blessures, décida de se rendre à Santo Domingo afin de se faire soigner. Un navire fut affrété, ses bagages chargés à bord, mais à l’heure du départ, le gouverneur changea d’idée et déclara qu’il préférait rester pour mourir dans sa colonie. Apprenant cela, les deux cents habitants qui restaient à Santa Marta ne l’entendirent pas ainsi, et ils l’embarquèrent de force pour qu’il soit conduit à la Hispaniola, certains chroniqueurs proposent l’idée qu’une certaine somme fut donnée au capitaine pour qu’il ne se rende pas à destination. Quoi qu’il en soit, le navire accosta plutôt à Cuba où le gouverneur mourut faute de soins.

Suite au départ de Bastida, Palomino fut élu gouverneur par l’ensemble des habitants de la ville. Apprenant cela, Villafuerte revint à Santa Marta avec ses gens. Palomino le fit emprisonner et l’envoya se faire juger par l’Audience royale de Santa Domingo. Bastida n’étant plus là pour les en empêcher, les Espagnols de Santa Marta se lancèrent à l’assaut des villages indigènes des environs pour les piller et s’emparer de leurs habitants afin de les vendre à des marchands en échange de nourriture.

Pendant ce temps, l’Audience royale de Santo Domingo nomma un gouverneur intérimaire pour la province de Santa Marta, Pedro de Vadillo, qui entreprit aussitôt de recruter une armée afin d’aller prendre possession de sa charge à Santa Marta.

Vadillo arriva dans la baie de Santa Marta en février 1528. Palomino et ses gens s’opposèrent à son débarquement. Les deux armées se défièrent, mais ne s’affrontèrent pas. Les chefs négocièrent et s’entendirent pour se partager le pouvoir. Tous ensemble, soit trois cent quatre-vingts hommes, ils reprirent les expéditions de razzia à l’intérieur des terres. À la fin de l’année, ils entreprirent de se rendre jusqu’au rio de la Hacha situé au nord la Sierra Nevada. En cours de roue, Palomino se noya en voulant traverser une rivière en crue avec son cheval. Celle-ci porte son nom depuis ce temps. Vadillo poursuivit l’entreprise et il en revint avec plusieurs centaines de prisonniers indigènes destinés à être vendus comme esclaves.

À son retour à Santa Marta, en février 1529, un nouveau gouverneur arrivé directement d’Espagne l’attendait, Garcia de Lerma, accompagné par quatre cents hommes. Vadillo fut aussitôt mis en état d’arrestation sous l’accusation d’avoir caché l’or qu’il avait récolté afin de ne pas payer le quinto royal. Il fut embarqué à bord d’un navire pour être envoyé se faire juger en Espagne, mais l’embarcation fit naufrage en cours de route sans laisser de survivants.     

Garcia de Lerma, plus un fonctionnaire civil qu’un militaire, avait reçu instruction de la Couronne de continuer l’oeuvre colonisatrice de Bastida. Toutefois, peu importe les intentions qui avaient pu l’animer avant de jeter l’ancre dans la baie de Santa Marta, la vue de la trentaine de cabanes délabrées qui constituaient la ville le ramena vite à la réalité. Les deux seuls édifices en pierres de Santa Marta, un fort et une église, tombaient en ruines. L’église n’avait plus de toit et ses murs servaient d’enclos pour le bétail alors que la tour du fort menaçait de s’effondrer à la prochaine forte pluie. Sans ressources alimentaires autres que celles, hors de prix, transportées par navire depuis Santo Domingo, les quelques trois cents survivants des troupes de Vadillo et Palomino auxquels s’ajoutaient les quatre cents nouveaux arrivés sous les ordres de De Lerma lui demandèrent la permission d’entreprendre d’autres expéditions de pillage afin de trouver assez d’or et d’esclaves pour se nourrir. Le nouveau gouverneur ne put que les laisser faire. Les destructions de villages indigènes se poursuivirent donc de plus belle pendant que ce qui restait de Santa Marta continuait de se délabrer.

Au début des années 1530, plusieurs navires faisant route pour l’Espagne avec à leur bord la part du roi ainsi que le butin arraché aux Incas par les hommes de Francisco Pizarro firent escale à Santa Marta. La nouvelle que de fantastiques trésors avaient été trouvés au Pérou se répandit, enflammant les esprits et en amenant plusieurs à quitter la pauvre colonie pour se rendre au Pérou.

D’autres cependant, se doutant qu’ils n’allaient pas être les premiers à s’y rendre et qu’il n’y resterait sans doute plus que des miettes, se mirent plutôt à penser qu’il serait peut-être plus intelligent de se rendre dans les régions à l’intérieur du continent où ils présumaient que les Incas récoltaient leur or. D’après plusieurs, le grand fleuve qui se jetait dans la mer non loin de Santa Marta pouvait sûrement y conduire. Malheureusement, l’embouchure du Magdalena était un labyrinthe de canaux et de marécages et personne n’avait encore réussi à découvrir son cours principal. De plus, tous s’entendaient pour dire qu’il était impossible de le trouver par la voie de terre. Plusieurs expéditions furent envoyées afin de découvrir un chemin qui mènerait vers l’amont du fleuve en suivant les contreforts de la Sierra Nevada afin d’éviter les zones marécageuses. Mais les villages indigènes qui s’y trouvaient se défendirent si âprement que les Espagnols y subirent défaite sur défaite, car la nature du terrain interdisait le déploiement de la cavalerie.

En 1532, un pilote portugais envoyé par De Lerma réussit à remonter le cours du Magdalena jusqu’à un village indigène situé à cent cinquante kilomètres à l’intérieur des terres.

En 1533, De Lerma envoya une expédition avec mission de contourner la Sierra Nevada par le nord et de descendre ensuite vers le sud en suivant un fleuve, le rio Cesar présumant qu’il allait se jeter dans le Magdalena. L’opération fut un succès. Les explorateurs réussirent à rejoindre le même village que le navigateur portugais avait rencontré sur la rive du Magdalena. Ils revinrent aussi avec des informations sur l’existence de villages riches en or situés loin plus au sud.

Tous ces efforts expéditionnaires affaiblirent cependant encore davantage la situation de la colonie et à la mort de De Lerma en 1535, le gouverneur intérimaire qui le remplaça ne trouva que 49 hommes aptes à tenir une arme lorsqu’il débarqua dans une Santa Marta à moitié envahie par la jungle. 

À la fin de la même année, un autre nouveau gouverneur fut nommé, Pedro Fernandez de Lugo. Déjà gouverneur des îles de La Palma et de Tenerife dans l’archipel des Canaries, il avait reçu l’autorisation de la Couronne d’explorer, conquérir et coloniser la province de Santa Marta. Toutefois, la colonisation de ce territoire ne l’intéressait guère. Ce qui le motivait, c’était la possibilité de s’en servir comme un point de départ pour une expédition dont l’objectif allait être de rejoindre le Pérou en remontant le fleuve Magdalena. En janvier 1536, une flotte ayant à son bord plus de mille hommes jeta l’ancre dans la baie de Santa Marta. L’aventure de Rodrigo Jimenez de Quesada, l’homme que de Lugo avait choisi pour commander son expédition, allait bientôt commencer. 

Il fallait faire vite. En effet, plusieurs expéditions étaient déjà parties du Venezuela voisin pour sillonner le territoire de la province de Santa Marta afin de chercher une route en direction du Pérou. À l’ouest du fleuve Magdalena, Pedro de Heredia, récemment nommé gouverneur de Cartagena, commençait à explorer les régions situées au sud de son territoire après avoir été informé de l’existence de mines d’or situées dans cette direction. Au Pérou, une fois les trésors incas partagés entre les comparses de Pizarro, plusieurs expéditions s’organisèrent pour continuer les conquêtes. Parmi celles-ci, celle de Sebastian de Benalcazar se dirigea vers le nord et s’arrêta pour fonder Quito, d’où elle se préparait à continuer sa route vers Popayan, un territoire qui fait aujourd’hui parti de la Colombie, à la recherche de l’Eldorado. La conquête, que dis-je, l’invasion de la Colombie s’amorçait. 


*****

Perspectives de recherches



Quels sont les points communs entre ces deux récits ?

Prise de possession d’un territoire déjà habité
présence de produits convoités
impératifs de colonisation pour appuyer la prétention de détenir des droits sur ces territoires 
recherche d’enrichissement à court terme de la majorité des participants
problèmes de financement. Les Couronnes des deux pays européens ne voulant ou ne pouvant pas fournir les fonds nécessaires
les difficultés de l’approvisionnement alimentaire
Violences internes et externes
Alliances ou guerres avec différents groupes autochtones.

Quelles étaient les différences ?

Climat et géographie
le délai entre l’exploration du territoire et la fondation d’un établissement permanent
disproportion dans le nombre des immigrants européens
modes de rémunération des immigrants
relations avec les autochtones
- Présence ou absence de métal précieux
esclavage absent ou du moins à très petite échelle en Nouvelle-France.

samedi 10 octobre 2015

Quarante ans

Pour la première fois depuis environ un an,  j’ai réussi à écrire quelque chose. Profitant d’un séjour d’une dizaine de jours dans un chalet des Laurentides,  j’ai pondu ce texte. 

Pour le moment, je le considère comme une base que je pourrai améliorer et amplifier dès que j'en aurai le temps. Je pourrais même, éventuellement, m'en servir comme matériel afin d'élaborer un récit de fiction. 

Tout commentaire, positif ou négatif, est le bienvenu.  


Alexandre, mon fils aîné, vient d’avoir quarante ans. Quarante ans ! Cela m’a donné un coup de vieux de participer au souper qu’il a organisé pour fêter cet événement en compagnie d’une dizaine de «jeunes» de son âge. Comme si cela ne faisait pas déjà un bon bout de temps que je me rends compte que les cheveux qui me restent ne sont plus poivre et sel, mais plutôt carrément blancs !

Bien que je ne vois pas trop pourquoi il y a matière à «fêter» à l’occasion d’un anniversaire de naissance, que ce soit le mien ou celui d’un autre, à moins qu’il ne s’agisse d’un enfant ou d’un adolescent, je reconnais toutefois que cela peut être un moment propice à une réflexion sur le temps qui passe. Plus prosaïquement, cela peut être aussi une excellente occasion de penser aux années passées et d’en profiter pour réfléchir à la direction que l’on veut faire prendre à sa vie.

Je dois cependant avouer que ma réaction face à ce quarantième anniversaire n’est pas seulement due à Alexandre. En effet, ces quarante années correspondent également aux années que j’ai passées à travailler dans mon métier et le fait que je travaille encore alors que la majorité des Québécois de mon âge ont déjà pris leur retraite m’affecte tout autant sinon davantage que le fait que mon fils aîné soit désormais devenu un homme d’âge mur.

Je me demande régulièrement ce que j’ai bien pu faire de pas correct dans ma vie pour me retrouver dans la situation dans laquelle je suis actuellement : à 64 ans, encore obligé de me lever avant 5 heures du matin afin d’aller travailler alors que j’aimerais cent fois mieux rester au lit et me lever quand j’en ai envie.

Il faut que je précise ici... (pour lire la suite cliquez sur ce lien :

 http://www.atramenta.net/lire/quarante-ans/54603

Par la même occasion, vous pouvez aussi jeter un oeil sur mes autres textes publiés sur le même site :

http://www.atramenta.net/authors/daniel-boisseau/24483

 











dimanche 27 avril 2014

Suggestion de lecture pour ceux qui aiment les romans d'aventures : "Le grand passage" de Kenneth Roberts


Pour ceux qui aiment lire des romans d’aventures, j’ai une suggestion de lecture pour vous : «Le grand passage» de Kenneth Roberts. Un roman qui, en 1937, fut le second dans la liste des «Bestsellers» vendus aux États-Unis tout juste après le célèbre «Gone with the wind». Un film en fut tiré en 1940. C’est celui-ci qui, récemment, m’a mis sur la piste du roman. Je vous raconte comment. 

Samedi dernier, ma conjointe et moi sommes allés voir les oies à la Baie du Fevbre, localité située sur les rives du lac Saint-Pierre au Québec où des centaines de milliers de ces gros oiseaux blancs se posent chaque année au cours de leur migration bisannuelle.  


En chemin, nous nous sommes arrêtés au Musée des Abénaquis à Odanak. 


C’est en marchant sur le site entourant le musée, situé sur les lieux mêmes de la vieille mission abénaquise, que j’ai vu une plaque à la mémoire des hommes, des femmes et des enfants massacrés lors du raid mené par les rangers du major Robert Rogers en 1759. Je me suis alors souvenu avoir vu, enfant, un film qui racontait cette histoire, mais du point de vue des américains. 

À l’époque, je devais avoir autour de dix ans, moi, un descendant des «méchants» Français dont il est question dans le film, j’étais de tout coeur avec ces hardis aventuriers qui, pour venger des attaques et des massacres précédemment commis par les Abénaquis et les Français dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre, s’étaient lancés dans une expédition complètement folle qui consistait à se rendre au coeur du pays ennemi (la Nouvelle-France) pour y détruire le village d’où partaient les expéditions ennemies et pour libérer les colons anglais qui y étaient maintenus en captivité.




Le film raconte comment les rangers (un corps paramilitaire formé de coloniaux américains entraînés pour combattre à l’indienne) remontèrent le lac Champlain en barques, puis, continuant à pied, traversèrent pendant plusieurs jours un interminable marécage et franchirent une dangereuse rivière, avant d’atteindre le village abénaquis sis sur la rive de la rivière Saint-François non loin du lac Saint-Pierre. Ils y massacrèrent la population (le film ne montre pas l’assassinat des femmes et des enfants) et s’enfuirent ensuite en remontant la rivière jusqu’au lac Memphrémagog, poursuivis par des centaines de Français et d’Abénaquis. Sans provisions, ils se dispersèrent alors en plusieurs groupes afin de pouvoir chasser. Plusieurs de ces groupes furent rattrapés par leurs poursuivants et massacrés. Seule une poignée réussit à rejoindre un fort ami situé plus au sud sur la rivière Connecticut. 

De retour chez moi après cette visite, j’ai fait une recherche sur internet et j’ai découvert que le film était tiré d’un roman écrit par un nommé Kenneth Roberts. Je me le suis procuré à la bibliothèque. Dès ses premières pages, j’ai été complètement happé par son récit. Narré par un jeune homme natif de Kittery (village situé près de Portsmouth à la frontière entre le Massachusetts et le Maine, juste là où ma conjointe et moi avons séjourné quelques jours l’automne dernier. Drôle de hasard !) qui s’enrôle dans les rangers de Rogers pour fuir la menace d’un emprisonnement pour diffamations contre certains notables de la ville et qui veut profiter de l’expérience pour dessiner des Indiens. Cependant, il n’aura jamais le temps de pratiquer son art, car essayer de survivre devint sa principale préoccupation. Le roman est beaucoup plus nuancé que le film qui est réputé pour le racisme qu’il démontre envers les Amérindiens. 



La lecture de ce roman m’a amené à fouiller dans ma bibliothèque pour y trouver un ouvrage de Colin G. Calloway, un professeur d’Histoire des Indiens d’Amérique du Nord que j’avais acheté il y a quelques années, mais que je n’avais jusqu’ici jamais lu très attentivement : The Western Abenaquis of Vermont, 1600-1800 (war, migration, and the survival of an indian people). Depuis, je poursuis sa lecture, fasciné, car il me révèle tout un pan de l’Histoire de l’Amérique du Nord que je ne connaissais guère.    


samedi 29 mars 2014

"Daniel à la ferme". Ma participation à un défi "enfance" sur le site Atramenta

Nous avons les mêmes photos que l'on retrouve sur ce blog

Beth Berry, la femme de Hunter Berry, le gars qui nous a loué l'appartement de Tulum en février dernier par l'entremise de AirBnB, tient un blog appelé "Revolution from home" (Cliquez sur le lien pour accéder au blog).

Elle vient de publier une entrée dans laquelle elle parle de l'appartement que nous avons occupé et elle y joint des photos. Des photos qui me sont familières. Cela m'a amusé de les retrouver dans son blog.





mercredi 5 mars 2014

Juan de Zumarraga

Je viens d'apprendre qu'il y a une fonctionnalité sur le site Atramenta qui permet d'intégrer dans mon blogue une oeuvre qui a déjà été publiée sur ce site. 

Il est donc dorénavant possible de lire Juan de Zumarraga ici, tout comme si vous étiez sur le site Atramenta. Il faut cependant aller sur Atramenta (en cliquant ici) si vous voulez le télécharger. 



samedi 18 janvier 2014

La métaphore du chant dans Cantique des plaines de Nancy Huston


Ayant constaté qu'un article que j'ai publié sur le site Atramenta : La métaphore du chant dans Cantique des plaines de Nancy Huston, est mon plus gros "vendeur" parmi mes 9 titres publiés, je me suis demandé ce qui pouvait expliquer ce phénomène. 

Couverture de l'oeuvre


La question m'intrigue parce que contrairement à mes autres textes, je n'ai jamais reçu un seul commentaire à son sujet. Son lectorat serait donc différent de celui qui fréquente habituellement ce site et il serait, selon moi, probablement issu de recherches sur internet en lien avec Nancy Huston ou Cantique des plaines.

Quoi qu'il en soit, cela m'a amené à le relire et j'ai été surpris de le redécouvrir tout aussi pertinent et intéressant. Cela m'a attristé de me rendre compte que les idées que j'y propose n'ont pas été davantage partagées et n'ont pas nourri la discussion sur le roman de Huston.  

Voilà pourquoi j'ai rafraîchi mon texte de présentation sur Atramenta. Présentation que voici : 


Après le dépôt de mon mémoire de maîtrise : Temps et récit dans Cantique des plaines de Nancy Huston à l’automne 2007, j’ai entrepris d’écrire un article d’une vingtaine de pages grâce auquel je voulais offrir à un plus large public les découvertes que j’ai faites au cours de mes recherches.

Malheureusement, la revue de littérature canadienne à qui je l’ai fait parvenir au printemps 2008 l’a refusé sous prétexte que mon article leur apparaissait relever plus de la philosophie que de la littérature. Pourtant la même revue avait déjà publié (2002) un article portant sur la thématique du temps dans le même roman : La question du temps dans Cantique des plaines de Nancy Huston.

Même si l’auteur de cet article, Stephan Hardy, met bel et bien en évidence l’importance de la thématique du temps dans Cantique des plaines, jamais il n’établit le lien avec la méditation sur le temps de saint Augustin que l'on trouve au Livre XI de ses Confessions. Méditation dont on retrouve pourtant plusieurs passages dans le roman de Huston. Jamais non plus il ne fait référence à l’essai Temps et récit de Paul Ricoeur, un ouvrage entièrement consacré à l'analyse de la conclusion que tire Augustin de sa méditation sur la question du temps. Une conclusion qui lui vient tout de suite après avoir chanté un cantique, un chant grégorien, qu'on appelle "Plainsong" en anglais : cantique des plaines, dont il s'est servi pour essayer de répondre à la question du temps.     

Il me semble que cette démonstration peut enrichir l'analyse et la discussion. Voilà pourquoi j'espère que mon article et mon mémoire obtiennent une meilleure diffusion parmi ceux qui s’intéressent à cette oeuvre de Nancy Huston.  

jeudi 19 décembre 2013

Mon opinion sur un roman de Douglas Kennedy : L'homme qui voulait vivre sa vie


Je ne me rappelle plus trop ce qui m'a amené à lire ce livre. Une référence dans un article lu sur le web, peut-être. En tout cas, quelque chose m'a poussé à me procurer ce livre et à le lire et j'ai vraiment été très déçu.




C'est nul et je ne comprends pas que je suis à peu près le seul à dire cela.

L'intrigue ne tient pas debout ni non plus la psychologie du personnage. Qu'un homme assassine l'amant de sa femme, sans vraiment le vouloir, c'est tout à fait possible, mais qu'il lui brise les jambes pour faire entrer le corps dans le frigo et qu'il lui fracasse et lui arrache les dents pour qu'on ne puisse pas identifier le corps, c'est autre chose, surtout que ça ne semble pas le troubler le moindrement. Un vrai psychopathe alors que pourtant tout dans le roman tente de nous le présenter comme étant un être sympathique, un bon père de famille, un bon amant, un bon confrère de travail, etc.

Ensuite, la réussite de son changement d'identité est plus qu'invraisemblable, mais le pire c'est de le voir ensuite avoir un succès international comme photographe sous cette fausse identité. C'est con, mais con comme ce n'est pas possible ! Quand on risque de se faire accuser de meurtre, on prend un profil bas et on évite toute vie publique, surtout quelques mois à peine après le meurtre. Et c'est quoi cette manie de faire que ses personnages réussissent aussi bien dans la vie, gagnent autant d'argent ? Il y a des milliards d'êtres humains sur Terre qui vivent leur vie sans "réussir".  

Quant à son deuxième vol d'identité, là, je manque de mots pour exprimer ce que j'en pense...  Prout, prout, prout...

Incroyable que cela s'est vendu à des millions d'exemplaires à travers le monde.

mardi 20 août 2013

Quand Bernie Gunther, le héros de la série de romans policiers de Philip Kerr, semble croiser la route de Maximilien Aue, le narrateur de Jonathan Littell dans Les Bienveillantes.


Dans Vert-de-gris (traduction française de Field Grey), le septième des romans que Philip Kerr consacre à son héros, Bernie Gunther, Bernie est interrogé par la CIA et doit expliquer quel rôle il a joué lors de l’invasion de l’URSS en juin 1941. 


Revenu à la Kripo (police criminelle) en 1938, après avoir oeuvré pendant cinq ans comme détective privé à Berlin, Bernie a été en 1941 incorporé dans un bataillon de réserve de la police et envoyé en Ukraine pour se joindre à des Einsatzgruppes, des unités SS chargées de sécuriser l’arrière des lignes de la Wehrmacht dans leur avancée en territoire soviétique. Bernie croyait que sa mission consistait à combattre les partisans. Cependant, un jour qu’il était en route vers Minsk pour faire son rapport après avoir capturé et exécuté une trentaine d’agents du NKVD (ancien KGB) coupables d’avoir massacré plus d’un millier de prisonniers ukrainiens et polonais dans la cour de la prison de Lutsk, il croise une autre unité SS en train de fusiller des civils juifs parmi lesquels il y avait des femmes âgées. Choqué, il s’arrête et demande des explications. On lui répond que ce sont les ordres. Il appelle au QG à Minsk et il se fait vertement engueuler pour oser ainsi discuter un ordre. Arrivé dans cette ville, il doit faire face à ses supérieurs et se fait menacer d’une rétrogradation. Arthur Nebe, son ancien chef à la Kripo, mais maintenant chef du Einsatzgruppe B, intervient et le sauve en le retournant travailler à Berlin. Heureusement pour lui, car les Einsatzgruppes ont par la suite été impliqués dans des tueries à grande échelle au cours desquelles plus d’un million cinq mille juifs ont été assassinés. C’est ce qu’on appelle la première Shoa, la Shoa par balles, pour la distinguer de la Shoa des chambres à gaz qui s’est mise en branle à partir de 1942.  

Bernie Gunther faisait partie du groupe B, qui avait Minsk comme objectif. Dans Les Bienveillantes, le roman de Jonathan Littell, gagnant du prix Goncourt 2006, Maximilien Aue, son narrateur, fait partie du groupe C qui avait Kiev comme objectif, soit quelques centaines de kilomètres plus au sud, les deux groupes ayant la Pologne comme base de départ dans les premières semaines de l’opération Barbarossa.


Là où je dis que les deux personnages semble se croiser, sans toutefois se rencontrer, c’est lorsqu’en arrivant à Lutsk, tout récemment conquise par l’armée allemande, Aue va visiter le château de Lubar qui avait servi de prison au NKVD et dans sa cour intérieure il découvre un charnier de plus d’un millier de corps en décomposition, des prisonniers ukrainiens et polonais que les Russes ont assassinés avant de fuir la ville. Incapables de rattraper les coupables, les Allemands décident d’exécuter le même nombre de juifs parmi la population de la ville, sous prétexte qu’une grande partie des membres du NKVD étaient des juifs. 

Contrairement à Bernie Gunther, le narrateur des Bienveillantes ne proteste pas devant les massacres de juifs, même s’il s’interroge sur leur pertinence. C’est ainsi qu’il va se retrouver impliqué dans les massacres qui vont avoir lieu dans la région dans les mois suivants.

Aux yeux des autorités soviétiques, Bernie est un criminel de guerre pour avoir commandé l’exécution des agents du NKVD parmi lesquels il y avait des femmes, et il craint constamment d’être remis entre leurs mains. Cependant, il se justifie en disant que c’était la guerre et que ceux-ci étaient coupables d’avoir massacré les prisonniers de Lutsk. Par contre, c’est tout à son honneur d’avoir refusé de participer à l’assassinat de juifs au risque d’en subir les conséquences, ce qu’il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir fait. 

L’action de Field Grey, ou Vert-de-gris dans sa version française, se situe en 1954. Mais, étant donné que Bernie Gunther est arrêté par les Américains dès le premier chapitre en face de Guantanamo alors qu’il tente de fuir Cuba et qu’il reste prisonnier de la CIA puis des services secrets français jusqu’au dernier chapitre, il n’y a pour ainsi pas d’action dans ce roman qui prend la forme d’une série de récits que Bernie raconte afin de répondre aux questions de ses interrogateurs sur certains passages de sa vie.  Sans doute que certains lecteurs n’apprécieront pas, mais tous ceux qui ont déjà lu d’autres péripéties de la vie de cet intrigant personnage seront comme moi curieux de connaître d’autres passages de sa vie. De plus, tout en le lisant, je n’ai cessé de penser comment Philip Kerr pouvait lui-même être aussi curieux de connaître ces passages tout en les écrivant. 

Quant aux Bienveillantes, bien que j’ai entrepris de le relire après m’être rendu compte que Maximilien Aue aurait pu croiser la route de Bernie Gunther en Ukraine, je ne crois pas continuer cette relecture au-delà des chapitres concernés. En effet, ce roman été pour moi une source de malaise et d’inconfort lorsque je l’ai lu à sa sortie et je n’ai pas envie de revivre cela. Comment se complaire pendant 900 pages dans la perversité d’un narrateur qui accepte de regarder tuer et même de tuer lui-même juste pour voir l’effet que cela lui fait? 

jeudi 30 mai 2013

Roberto Bolano, le nouveau Garcia Marquez de la littérature latino-américaine ?


Je ne connaissais pas Roberto Bolano avant d’acheter il y a quelques mois un exemplaire du numéro 52 de L’inconvénient, une revue littéraire québécoise d’essai et de création, consacré à la «Naissance et renaissance du roman latino-américain». 





Un article en particulier : « Le coup de pistolet au milieu du concert : la politique et le roman en Colombie» avait motivé mon achat, car je connaissais son auteur, Juan Gabriel Vasquez, pour avoir déjà lu quelques-unes de ses oeuvres et je voulais savoir ce qu’il avait à dire sur la littérature de son pays à propos de la violence qui caractérise son histoire politique.

Après avoir lu cet article, que j’ai trouvé par ailleurs très pertinent, j’ai entrepris la lecture du reste de la revue et c’est ainsi que j’ai pris connaissance de l’article de Mauricio Segura intitulé «Le mythe Bolano». 

Tout en nous racontant ses premiers contacts avec les écrits de Bolano ainsi qu’avec le «mythe Bolano», Segura se montre sinon hostile du moins méfiant vis-à-vis de cet auteur chilien expatrié qui a toujours cultivé avec soin son image de marginal rebelle. Ainsi, il nous rapporte que «Bolano a même détrôné Garcia Marquez au firmament des dieux littéraires hispanophones» tout en ajoutant dans la même phrase «du moins aux yeux d’une majorité de lecteurs anglophones de moins de cinquante ans». 

Dans son article, Segura nous présente une critique élogieuse des Détectives sauvages, qu’il s’était pourtant procuré avec réticence. Il trouve que ce roman est envoûtant et qu’il tient ses lecteurs en haleine bien que l’action se déroule entièrement dans un milieu littéraire absolument marginal dans la société mexicaine. Pour lui, 2666, «roman posthume de plus de 1000 pages» et qui a reçu «une critique dithyrambique dans la plupart des pays hispanophones», «présente un récit où la littérature est un puissant catalyseur, capable de donner un sens au destin d’un homme égaré». 

Fort de cette lecture, je me suis procuré Les Détectives sauvages et un autre roman de Bolano : Le troisième Reich à la bibliothèque, 2666 n’étant pas disponible. 


J’ai commencé par Les détectives voyages, mais j’ai abandonné ma lecture après avoir lu une centaine de pages. Il m’ennuyait avec ses interminables listes de poètes qui participent à d’interminables discussions littéraires tout en se soulant et baisant à qui mieux mieux. 

Le sujet de l’autre roman que j’avais emprunté : Le troisième Reich me paraissait plus intéressant. Un jeune allemand, amateur sinon professionnel et champion en jeux de stratégies simulant la Deuxième Guerre mondiale se rend en vacances en Espagne avec sa petite amie et, alors que celle-ci accumule les séances de bronzage à la plage, lui, préfère se consacrer à son activité favorite à l’intérieur de leur chambre d’hôtel. 


L’intrigue a retenu mon attention jusqu’à la première moitié du roman, mais je me suis ensuite carrément emmerdé en voyant son personnage s’enfoncer dans une espèce de folie qui l’a amené à ne pas retourner en Allemagne avec son amie à la fin de leurs vacances et à rester pendant tout un mois pour jouer à son jeu avec un mystérieux et inquiétant partenaire. J’ai quand même persisté dans ma lecture jusqu’à la dernière page, risquant presque la déprime, et je ne conseille à personne cette expérience de lecture. 

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De plus, je n'ai trouvé aucune qualité littéraire particulière à l'écriture de Bolano.