lundi 10 décembre 2012

L'introduction de "Hugues et les Vikings"


Il y a environ un mois, je me suis lancé un défi : écrire une histoire au «il» au lieu du «je» avec lequel j’ai tendance à presque toujours écrire. Cela a donné un texte qui, semaine après semaine, a pris de plus en plus d’ampleur et qui est loin d’être terminé. Cependant, un premier épisode est complété et je vous en présente ici l'introduction. 


Hugues et les Vikings




Tout a commencé un jour de fin d’hiver dans un pays qu’on appelait autrefois la Neustrie. Charlemagne (742-814) était mort depuis quelques décennies et l’empire qu’il avait édifié tout au long de sa vie était déjà en train de se disloquer.

Ce matin-là, Hugues et son cousin Walde se levèrent plus tôt que d’habitude, car ils voulaient aller pêcher au lac de la Tortue. Ce lac était situé à plus de trois heures de marche de là où ils vivaient, au lieu-dit de la Rochemouillée, un hameau composé de tout au plus sept masures regroupées près de la rivière autour des fondations en pierres d’une construction inachevée destinée à recevoir la meule d’un moulin. Un peu plus loin, en aval, le cours d’eau frôlait une butte dont une partie s’était effondrée formant ainsi un éperon rocheux au-dessus de la rivière. Les bâtiments de la ferme de Raoul, le maître du domaine de Villechier, dont dépendaient les habitants de la Rochemouillée, se trouvaient tout à côté sur le versant de la butte qui était à l’opposé de la rivière.. 

Cette rivière était connue pour être poissonneuse, mais il était absolument interdit pour les habitants du hameau d’y pêcher, car elle était sous la juridiction du comte Odaric, qui réservait ce privilège aux gens de sa maison. Le seigneur du domaine de Villechier et les paysans de la Rochemouillée n’y avaient pas droit, car Raoul avait reçu son fief directement des mains de Louis le Pieux, l’héritier de Charlemagne, ce qui le dispensait du traditionnel serment de vassalité envers le comte, mais le maintenait dans un statut d’étranger vis-à-vis de l’aristocratie locale. 

C’était là une situation exceptionnelle dans une région dont la presque totalité des seigneurs locaux étaient depuis longtemps assujettis à la famille du comte. Le roi Louis avait banni l’ancien bénéficiaire du fief de Villechier pour sa lâcheté au cours de l’une des nombreuses batailles de la guerre civile qui marqua son règne et il s’était alors accordé le droit de remettre ce fief à Raoul, un cavalier sans terre, pour la bravoure dont il avait fait preuve lors de ce même combat. C’était une occasion pour le roi d’implanter un de ses fidèles combattants dans un comté où son autorité s’effilochait de plus en plus, mais cela mettait Raoul dans une position des plus délicates. Le comte avait été profondément choqué de cette ingérence dans ses possessions et ne se cachait pas pour manifester une vive hostilité envers ce chevalier sorti de nulle part. Bien que ce dernier bénéficiait du prestige de la protection royale, celle-ci perdit beaucoup de sa puissance après la mort du roi et l’immense confusion politique qui a suivi le partage de son héritage entre ses trois fils. 

Malgré le risque de se faire prendre, car les gens du comte étaient nombreux et ils veillaient scrupuleusement au respect de leur privilège, certains pères de famille de la Rochemouillée se risquaient parfois à y tendre des filets, la nuit, quand la famine les y poussait. C’était cependant risqué, car l’amende était beaucoup trop élevée pour ces simples paysans. Elle pouvait alors être remplacée par un asservissement du coupable au profit du plaignant, en l’occurrence le comte, qui faisait aussi office de juge! Toutefois, ce printemps là, même si la faim se faisait cruellement sentir dans le hameau, personne ne s’était aventuré à chercher à améliorer sa pitance quotidienne en allant braconner dans la rivière, car, à part Karl, le grand-père presque moribond de Hugues, et Rumi, le boiteux, il n’y avait pas un seul homme de plus de douze ans à la Rochemouillée. L’automne précédent, ils avaient tous été réquisitionnés par le prévôt du comté pour aller travailler à la construction des fortifications qu’Odaric était en train d’ériger là-haut, aux sources de la rivière, à l’entrée du col des Pendus par où les troupes royales devraient nécessairement passer si elles venaient pour le soumettre, si jamais les grands du royaume finissaient un jour par s’entendre pour élire un roi. . 

Astreindre ces paysans à une si longue corvée loin de leurs terres et de leur famille était une grande injustice. Ils payaient pour leur maître, le chevalier de Villechier, retenu prisonnier dans un cachot du palais du compte pour avoir refusé de lui prêter un serment de fidélité et sous l’accusation d’avoir comploté contre le roi en recevant chez lui un émissaire du duc d’Aquitaine. Il était clair cependant que cette accusation en provenance d’un si douteux partisan du roi ne pouvait être que fallacieuse puisque l’émissaire en question n’était autre que le frère de Raoul, Bertrad, un clerc de second ordre, mais rattaché, il est vrai, à une célèbre abbaye qui avait toujours eu la réputation d’être fidèle au duché d’Aquitaine, de tout temps reconnu pour être un des plus farouches adversaires de la dynastie carolingienne. De plus, il était flagrant que ce qui avait soudainement poussé le comte, après plusieurs années d’une prudente réserve, à soudainement exiger ce serment auquel le chevalier pouvait se soumettre de bon gré, mais auquel il ne pouvait en aucun cas être obligé du fait de son privilège royal, avait sa source dans un incident qui avait eu lieu l’été précédent et qui impliquait Lisbeth, sa femme. 

À suivre... 

Le premier épisode au complet est disponible sur le site Atramenta. Vous pouvez y accéder en cliquant ici. Les textes peuvent y être lus en ligne ou téléchargés gratuitement sur PDF ou sur e-book.