jeudi 30 mai 2013

Roberto Bolano, le nouveau Garcia Marquez de la littérature latino-américaine ?


Je ne connaissais pas Roberto Bolano avant d’acheter il y a quelques mois un exemplaire du numéro 52 de L’inconvénient, une revue littéraire québécoise d’essai et de création, consacré à la «Naissance et renaissance du roman latino-américain». 





Un article en particulier : « Le coup de pistolet au milieu du concert : la politique et le roman en Colombie» avait motivé mon achat, car je connaissais son auteur, Juan Gabriel Vasquez, pour avoir déjà lu quelques-unes de ses oeuvres et je voulais savoir ce qu’il avait à dire sur la littérature de son pays à propos de la violence qui caractérise son histoire politique.

Après avoir lu cet article, que j’ai trouvé par ailleurs très pertinent, j’ai entrepris la lecture du reste de la revue et c’est ainsi que j’ai pris connaissance de l’article de Mauricio Segura intitulé «Le mythe Bolano». 

Tout en nous racontant ses premiers contacts avec les écrits de Bolano ainsi qu’avec le «mythe Bolano», Segura se montre sinon hostile du moins méfiant vis-à-vis de cet auteur chilien expatrié qui a toujours cultivé avec soin son image de marginal rebelle. Ainsi, il nous rapporte que «Bolano a même détrôné Garcia Marquez au firmament des dieux littéraires hispanophones» tout en ajoutant dans la même phrase «du moins aux yeux d’une majorité de lecteurs anglophones de moins de cinquante ans». 

Dans son article, Segura nous présente une critique élogieuse des Détectives sauvages, qu’il s’était pourtant procuré avec réticence. Il trouve que ce roman est envoûtant et qu’il tient ses lecteurs en haleine bien que l’action se déroule entièrement dans un milieu littéraire absolument marginal dans la société mexicaine. Pour lui, 2666, «roman posthume de plus de 1000 pages» et qui a reçu «une critique dithyrambique dans la plupart des pays hispanophones», «présente un récit où la littérature est un puissant catalyseur, capable de donner un sens au destin d’un homme égaré». 

Fort de cette lecture, je me suis procuré Les Détectives sauvages et un autre roman de Bolano : Le troisième Reich à la bibliothèque, 2666 n’étant pas disponible. 


J’ai commencé par Les détectives voyages, mais j’ai abandonné ma lecture après avoir lu une centaine de pages. Il m’ennuyait avec ses interminables listes de poètes qui participent à d’interminables discussions littéraires tout en se soulant et baisant à qui mieux mieux. 

Le sujet de l’autre roman que j’avais emprunté : Le troisième Reich me paraissait plus intéressant. Un jeune allemand, amateur sinon professionnel et champion en jeux de stratégies simulant la Deuxième Guerre mondiale se rend en vacances en Espagne avec sa petite amie et, alors que celle-ci accumule les séances de bronzage à la plage, lui, préfère se consacrer à son activité favorite à l’intérieur de leur chambre d’hôtel. 


L’intrigue a retenu mon attention jusqu’à la première moitié du roman, mais je me suis ensuite carrément emmerdé en voyant son personnage s’enfoncer dans une espèce de folie qui l’a amené à ne pas retourner en Allemagne avec son amie à la fin de leurs vacances et à rester pendant tout un mois pour jouer à son jeu avec un mystérieux et inquiétant partenaire. J’ai quand même persisté dans ma lecture jusqu’à la dernière page, risquant presque la déprime, et je ne conseille à personne cette expérience de lecture. 

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De plus, je n'ai trouvé aucune qualité littéraire particulière à l'écriture de Bolano.     
  

mercredi 29 mai 2013

1493 - Comment la découverte de l'Amérique a transformé le monde - un ouvrage de Charles C. Mann




































1493 est un livre dont j’attendais depuis plusieurs années la traduction française après avoir précédemment lu 1491 du même auteur. Au cours de ces années, pour calmer mon impatience, j’ai feuilleté à quelques reprises les pages de sa version originale anglaise qui sont offertes en lecture libre sur Amazon et ce que j’ai pu en comprendre, malgré mes faibles capacités de lecture dans cette langue, m’a enthousiasmé et rendu encore plus impatient de pouvoir le lire en français. 

J’espérais ressentir en lisant 1493 la même formidable impression que j’avais ressentie en lisant 1491. L’impression que j’apprenais une foule de choses dont je n’avais aucune idée avant que Charles C. Mann ne vienne me les apprendre, moi, un lecteur qui s’est toujours targué d’aimer l’Histoire et d’avoir déjà d’assez bonnes connaissances en Histoire. 

Le phénomène s’est effectivement reproduit. 1493 est une mine d’or pour celui qui aime découvrir de nouvelles façons d’appréhender l’Histoire, en particulier ici, les bouleversements amenés par la découverte du Nouveau-Monde que ce soit au niveau économique, écologique ou humain. Du développement de la culture du tabac, de la culture de la canne à sucre et du même coup de l’introduction de la malaria et de la fièvre jaune en Amérique, principaux facteurs du transfert de millions de noirs africains à travers l’Atlantique, en passant par l’expansion de la culture de la patate en Europe, de la patate douce en Chine, et des répercussions économiques amenées par l’échange à travers le Pacifique de l’argent des mines espagnoles en Amérique contre les soieries chinoises, sans parler de l’exportation du guano péruvien vers l’Europe ou de l’expansion à travers le monde de la production de caoutchouc à partir de la sève de l’hévéa, Charles C. Mann nous amène à prendre conscience de l’importance du rôle qu’a joué la découverte de l’Amérique dans la mondialisation de l’activité humaine sur la Terre.   

Cependant, malgré tout ce que 1493 peut nous offrir comme nouvelles perspectives d’analyses, j’ai ressenti un certain ennui dans quelques chapitres. Le sentiment que Charles C. Mann allongeait la sauce. Par exemple, dans le chapitre où il décrit en long et en large les répercussions de l’introduction en Chine par les Espagnols de l’argent des mines américaines ou encore le chapitre où il s’évertue à nous décrire l’importance des marrons, ces esclaves africains en fuite qui ont formé des quasis états en Amérique. Mais comme il le dit lui-même, 1493 n’a pas la prétention d’être une analyse systématique : «mon but a été d’accorder la préséance aux questions qui me semblent spécialement pertinentes et bien documentées, et à celles - réflexe de journaliste - que je juge les plus passionnantes».  

Donc, malgré ces petits défauts, je recommande chaudement cette lecture à tous ceux qui considèrent qu’une connaissance de l’Histoire est essentielle pour comprendre le monde dans lequel nous vivons.  

lundi 27 mai 2013

L’avenir des blogues sur internet et, donc, l'avenir de mon blogue




En fin de semaine, j’ai lu un article sur le site Slate tiré de W.I.P., le labo médias de l’école de journalisme de Sciences Po, sur l’avenir des blogues. Il paraît que certains prédisent leur disparition alors que d’autres disent plutôt qu’ils sont en train d’évoluer. 

Cela m’a fait penser que je suis arrivé un peu tardivement dans cet univers, car les premiers blogues ont fait leur apparition en 1999 et je n’ai attrapé le train qu’en 2011, soit une douzaine d’années plus tard. De toute façon, je suis peut-être en dehors de tout cela, car étant donné le nombre de lecteurs que j’ai, ce blogue est plus un lieu où j’archive ce que j’écris qu’un lieu d’échanges. Je mets mes textes ici au lieu de les laisser dans le tiroir de mon bureau, pardon, sur le disque dur de mon ordinateur. Bien sûr, il reste que ces textes sont publics et disponibles pour d’éventuels lecteurs, mais comme je n’ai jamais de commentaires de ces lecteurs, c’est comme s’ils n’existaient pas même si les statistiques du site m’indiquent un certain nombre de visites. Malgré cela, je continue à écrire et je sais que mon écriture chemine et évolue, car je peux constater ce cheminement et cette évolution à chaque fois que je jette un regard sur l’ensemble de mes publications. Peut-être qu’il ne sortira rien de tout cela, mais peut-être que oui. Qui vivra verra. 

Dans cet article de Slate sur l’avenir des blogues, il y avait aussi un lien vers le site d’un écrivain américain qui permet à tout un chacun de le voir écrire «live» et que cet exercice serait l’une des voies d’avenir des blogues. 

Cela me fait penser que c’est un peu ce que je fais moi-même ici, car de publication en publication, on peut voir mon travail avancer.  

Ainsi ce matin, je me sens bien embêté de continuer à écrire l’histoire de Juan de Zumarraga, le Frantses gardien de cochons, que j’ai publiée la semaine passée. Pour la continuer, il faut que je le fasse embarquer sur un navire et je ne connais strictement rien aux navires. Faut dire quand même que je ne connaissais absolument rien sur l’élevage des cochons en Espagne au XVIe siècle, ce qui ne m’a pas empêché d’écrire sur le sujet bien que, au fond, quand j’y pense, je n’y dis pas grand-chose sur les cochons dans ce texte. Alors, qu’est-ce qui m’empêche de continuer à écrire cette histoire ? C’est que je crois que ma tendance à écrire au moyen du dialogue intérieur de mes personnages est encore très forte, bien que j’avais pris la résolution de l’éviter. 

Il y a une grande différence entre écrire une histoire à partir d’un point de vue extérieur et l’écrire à partir d’un dialogue intérieur. Ce dernier exige beaucoup d’investissement émotif de la part de l’auteur en plus d’exiger une connaissance approfondie et détaillée du contexte. Cela ne veut pas dire que ces deux exigences ne sont pas présentes dans le point de vue extérieur, mais à mon avis elles sont beaucoup moins fortes. Par exemple, dans un point de vue extérieur je peux écrire que mon personnage dormait sur le pont du navire, je ne suis pas obligé de décrire son environnement dans le détail, quelques informations générales peuvent suffire pour faire comprendre le contexte au lecteur. Par contre, d’un point de vue intérieur, je dois décrire son état d’esprit et son environnement d’une façon beaucoup plus détaillée. Pour moi, c’est difficile, voire impossible de le faire sans commettre de grossières erreurs, tels des anachronismes. Cela me bloque et m’empêche carrément d’écrire. Il ne faut donc pas que je persiste dans cette voie.     

vendredi 17 mai 2013

Juan de Zumarraga, le Frantses qui gardait des cochons


Voici l'introduction d'un premier chapitre de ce qui pourrait peut-être un jour être une plus longue histoire. Il s'agit du personnage dont je vous ai parlé dans mon dernier blog et qui, finalement, n'est pas mort-né. 




Juan se disait basque. C’est d’ailleurs sous l’appellation de Juan de Zumarraga, le nom de la vallée dont il était originaire, qu’il doit sûrement figurer sur une ou l’autre des nombreuses listes d’enrôlement d’équipages que l’on peut trouver dans les dépôts d’archives de son époque. Quant à une preuve plus tangible de sa naissance, par exemple une attestation de baptême, mieux vaut ne pas trop y penser. À Zumarraga, ce n’est qu’à partir de 1576 que les registres paroissiaux ont commencé à être tenus d’une façon rigoureuse, soit une bonne soixantaine d’années après la naissance de Juan. 

Sa mère s’appelait Jeanne. Elle n’était encore qu’une enfant quand ses parents, un Gascon et sa compagne qu’on appelait la Frantsesa (la Française en Euskara, la langue basque) vinrent travailler aux récoltes sur le domaine des Etchedorry situé sur les flancs du mont Beloqui pas très loin d’un réputé ermitage dont le nom, Zumarraga, avait été adopté pour nommer la vallée toute entière. À la fin de la saison, le couple laissa sa fille comme servante dans la maison de Luis Abitzu Etchedorry, le maître du  domaine. Celui-ci l’engrossa quelques années plus tard, peu après ses premières règles. 

Juan n’a pas gardé beaucoup de souvenirs de sa mère, car il devait avoir environ quatre ans quand elle mourut des suites d’une fausse couche, le laissant avec sa sœur Adela, née environ un an après lui, aux soins des domestiques de la maison. Cependant, comme Jeanne lui avait toujours parlé en français, si du moins l’on pouvait qualifier ainsi le patois qu’elle baragouinait, c’était un héritage dont il était très fier et que, contrairement à sa sœur, il s’était toujours efforcé de le cultiver en cherchant à s’exprimer dans cette langue toutes les fois que c’était possible. Ce qui, l’été, était assez fréquent parce que Zumarraga est située sur une route qui permettait de relier deux des plus importantes branches du célèbre chemin de Compostelle.    

À la ferme, l’Euskara était prédominant, car c’était la langue du patron et de sa famille. Cependant, pour les récoltes, ils engageaient des travailleurs saisonniers en provenance de tous les pays avoisinants. On pouvait donc y entendre, selon les années, tout autant le castillan que le catalan, le galicien ou le gascon.    

Il faut dire qu’à la naissance de Juan, l’État espagnol comme on le connaît aujourd’hui venait tout juste d’être constitué. En effet, ce n’est qu’en 1492 qu’Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon réussirent à unir les différentes entités politiques qui occupaient la péninsule ibérique, à l’exception du Portugal. La vallée de Zumarraga faisait et fait toujours partie du Guipuzcoa, l’une des trois provinces basques espagnoles, qui fut incorporée au Royaume de Castille en 1200. Cette vallée d’à peine trois kilomètres de large sur dix kilomètres de long ne se trouve pas très loin des sources de l’Urola, une rivière qui se jette soixante kilomètres plus loin dans la mer Cantabrique. Sa population composée d’environ 800 âmes et essentiellement de vocation agricole à l’époque où Juan y vivait, avait l’étrange particularité de s’être établie sur le flanc des montagnes où elle s’échinait depuis des siècles à cultiver des terres qui ne donnaient que de médiocres rendements alors que les fertiles terres du fond de la vallée étaient laissées en friche. C’est que, à cause de la pluviosité de son climat et de l’imperméabilité du sol des pentes des montagnes environnantes, les eaux de l’Urola étaient sujettes à de subites hausses de niveau qui entraînaient de fréquentes inondations. Ces débordements pouvaient non seulement détruire les récoltes, mais entraînaient aussi la formation de marécages qui avaient la réputation de favoriser l’éclosion de maladies. 

C’est dans cette forêt marécageuse qui couvrait le fond de la vallée des deux côtés de la rivière Urola que quelques années après la mort de Jeanne on envoya Juan et Adela garder les cochons. 

Proches parents des sangliers sauvages, ces petites bêtes laineuses noires se distinguaient des gros porcs blancs que l’on gardait à longueur d’année à la ferme et que l’on engraissait avec soin afin d’assurer la production du lard salé, un aliment de base, mais aussi un produit qui se vendait bien sur le marché de l’approvisionnement des navires de haute mer. Chaque année, Abitzu Etchedorry en envoyait plusieurs tonneaux à un commerçant de Deba, sur la côte. Les petits cochons maigrichons de la vallée de Zumarraga étaient, quant à eux, réputés pour le jambon qu’on en tirait et dont la plus grande partie était exportée vers Pampelune, la capitale du royaume de Navarre située plus à l’est et, de là, à Barcelone, la capitale de la Catalogne.    

Il n’y a pas de doute que les porcs qu’on avait confiés à Juan et Adela ...





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