Je sais, j’avais déjà beaucoup de lectures en cours et j’en ai rajouté. Pourtant je ne lis pas tant que ça. Cela dépend des jours. Parfois je ne lis que les informations sur les sites de quelques journaux (Le Devoir, La Presse, Le Monde, Rue 89), mais parfois aussi je me lance dans un livre et j’y passe la plus grande partie de la journée. Quand je ne travaille pas bien sûr.
En lisant des trucs sur le forum d’Atramenta, le site où je mets en ligne des textes que j’écris, j’ai trouvé une référence à un roman japonais : La pierre et le sabre, de Eiji Yoshikawa. Cela a éveillé ma curiosité et je me suis rendu à la succursale de la bibliothèque municipale de mon quartier pour me le procurer. En me dirigeant vers la section des romans, j’ai frôlé une des tables où la bibliothèque expose des livres choisis selon des thématiques qui varient de semaine en semaine et mes yeux se sont arrêtés sur un roman exposé là : Seul dans le noir, de Paul Auster. Je l’ai feuilleté et je l’ai pris en plus du roman japonais.
En revenant chez moi, j’ai aussitôt commencé à lire le livre de Auster.
August est un journaliste retraité de 72 ans qui est resté handicapé à la suite d’un accident d’automobile survenu peu de temps après la mort de sa femme. Sa fille unique, Miriam, âgée de 47 ans divorcée depuis 5 ans et toujours inconsolable, l’a invité à venir vivre chez elle au Vermont, le temps de sa convalescence. Quelques temps après, elle a aussi recueilli Katya, son unique enfant âgée de 23 ans, qui vient d’abandonner ses études en cinéma à la suite de l’assassinat en Irak de Titus, un jeune homme avec qui elle était en relation depuis plusieurs années.
August souffre d’insomnie : «Seul dans le noir, je tourne et retourne le monde dans ma tête tout en m’efforçant de venir à bout d’une insomnie, une de plus, une nuit blanche de plus dans le grand désert américain». Pour ne pas penser à ce qu’il préfère oublier, il s’invente une histoire dans laquelle un homme se réveille dans un autre monde, un monde parallèle en se basant sur une théorie développée par Giordano Bruno, un philosophe italien du 16e siècle. Selon celui-ci, l’univers est infini et est peuplé d’une infinité de soleils identiques au nôtre entourés d’une multitudes de planètes qui peuvent abriter des êtres comme nous. Évidemment, il sera brûlé vif pour cette hérésie. La télésérie Les rescapés présentée à Radio-Canada s'inspire de ses théories et une partie de l'intrigue se déroule autour d'un manuscrit de Giordano Bruno. Dans son roman, Auster utilise lui aussi à sa façon les théories du philosophe italien. Il fait dire à un de ses personnages que "il n’y a pas qu’un seul monde. Il y en a plusieurs et ils existent tous parallèlement les uns aux autres, mondes et antimondes, mondes et mondes fantômes, et chacun d’entre eux est rêvé ou imaginé ou écrit par un habitant d’un autre monde. Chaque monde est la création d’un esprit" (p.75).
C’est fou, hein ? C’est pour cela que j’ai abandonné ma lecture. Je connais un peu Paul Auster et bien que j’ai déjà apprécié quelques unes de ses oeuvres, je sais aussi qu’il peut parfois être un peu barbant avec ses histoires où on n’arrive pas à savoir qui est qui tellement il aime confondre le lecteur avec des jeux sur l’identité du narrateur, et je me suis plongé dans La pierre et le sabre.
L’intrigue de La pierre et le sabre se déroule au Japon à la même époque que le célèbre Shogun de James Clavell. Il paraît cependant qu’il respecte plus le contexte historique que le romancier américain. Paru dans les années 1930 sous la forme de feuilletons dans un grand quotidien, il a eu un énorme succès. J’ai beaucoup aimé les premiers chapitres, autant par intérêt pour le contexte socio-historique qu’il me faisait découvrir que pour ses péripéties dans lesquels deux jeunes garçons partis à la guerre se retrouvent blessés après une bataille que leur armée a perdue. Cette bataille a été marquante dans l'histoire du Japon, car elle marqua l'avènement du système Tokugawa qui gouverna le Japon pendant plus de deux siècles après avoir fermé les frontières pour empêcher les contacts avec l'Occident et après y avoir instauré une ère de paix au cours de laquelle les samouraïs se convertir en bureaucrates. Ne pouvant plus combattre ils développèrent une philosophie de maîtrise de soi et utilisèrent l'escrime comme un moyen pour former leur caractère.
C'était très intéressant, mais j’ai décroché au bout de quelques chapitres de lecture lorsque le héros se met à accomplir des exploits dignes des films de Kung-fu et je suis retourné au roman de Auster. Je viens d’en terminer la lecture après y avoir la presque totalité de la journée.
Bien que l’histoire que se raconte August, le personnage principal de Seul dans le noir, qui souffre d’insomnie ne tient pas debout, sa structure est quand même intéressante. Le personnage qu’il invente se retrouve dans un monde parallèle : les États-Unis y sont déchirés par une guerre civile entre des états qui ont déclaré leur indépendance et le gouvernement fédéral. Ce personnage, Brick, se voit ordonné d’aller assassiner un homme parce que c’est dans la tête de celui-ci que se déroule cette guerre. En le tuant, il y mettra fin. Évidemment, cet homme n’est nul autre qu’August. Donc, celui-ci s’invente une histoire dans laquelle il sera assassiné. Sauf que Brick n’a pas du tout envie de tuer quelqu’un et qu’il se défile sans arrêt. Finalement, il se fera tuer lui-même, ce qui mettra fin à l’histoire qu’August se raconte, car celui-ci a autre chose à faire que de se raconter des histoires : sa petite-fille, qui ne dort pas elle non plus, vient se coucher avec lui comme elle le faisait quand elle était petite, et elle lui demande de lui parler de sa grand-mère, de lui raconter comment il l’a connue et comment ils s’étaient séparés et retrouvés plusieurs années plus tard. En échange, August la questionne sur sa relation avec Titus, le fils d’un couple d’amis qui s’est enrôlé comme chauffeur de camion dans une compagnie privée qui fournit du personnel à l’armée d’occupation américaine en Irak où il sera exécuté après avoir été enlevé.
L’histoire du monde parallèle qui occupe pourtant près du trois quart du livre n’est finalement qu’un prétexte un jeu auquel se livre Auster. Il a peut-être une signification sous-jacente, mais je ne l’ai pas saisie à une première lecture et je ne crois pas que je vais me lancer dans une deuxième lecture. Par contre, la lecture de ce roman m’a donné envie d’écrire ce que vous venez de lire.