lundi 10 décembre 2012

L'introduction de "Hugues et les Vikings"


Il y a environ un mois, je me suis lancé un défi : écrire une histoire au «il» au lieu du «je» avec lequel j’ai tendance à presque toujours écrire. Cela a donné un texte qui, semaine après semaine, a pris de plus en plus d’ampleur et qui est loin d’être terminé. Cependant, un premier épisode est complété et je vous en présente ici l'introduction. 


Hugues et les Vikings




Tout a commencé un jour de fin d’hiver dans un pays qu’on appelait autrefois la Neustrie. Charlemagne (742-814) était mort depuis quelques décennies et l’empire qu’il avait édifié tout au long de sa vie était déjà en train de se disloquer.

Ce matin-là, Hugues et son cousin Walde se levèrent plus tôt que d’habitude, car ils voulaient aller pêcher au lac de la Tortue. Ce lac était situé à plus de trois heures de marche de là où ils vivaient, au lieu-dit de la Rochemouillée, un hameau composé de tout au plus sept masures regroupées près de la rivière autour des fondations en pierres d’une construction inachevée destinée à recevoir la meule d’un moulin. Un peu plus loin, en aval, le cours d’eau frôlait une butte dont une partie s’était effondrée formant ainsi un éperon rocheux au-dessus de la rivière. Les bâtiments de la ferme de Raoul, le maître du domaine de Villechier, dont dépendaient les habitants de la Rochemouillée, se trouvaient tout à côté sur le versant de la butte qui était à l’opposé de la rivière.. 

Cette rivière était connue pour être poissonneuse, mais il était absolument interdit pour les habitants du hameau d’y pêcher, car elle était sous la juridiction du comte Odaric, qui réservait ce privilège aux gens de sa maison. Le seigneur du domaine de Villechier et les paysans de la Rochemouillée n’y avaient pas droit, car Raoul avait reçu son fief directement des mains de Louis le Pieux, l’héritier de Charlemagne, ce qui le dispensait du traditionnel serment de vassalité envers le comte, mais le maintenait dans un statut d’étranger vis-à-vis de l’aristocratie locale. 

C’était là une situation exceptionnelle dans une région dont la presque totalité des seigneurs locaux étaient depuis longtemps assujettis à la famille du comte. Le roi Louis avait banni l’ancien bénéficiaire du fief de Villechier pour sa lâcheté au cours de l’une des nombreuses batailles de la guerre civile qui marqua son règne et il s’était alors accordé le droit de remettre ce fief à Raoul, un cavalier sans terre, pour la bravoure dont il avait fait preuve lors de ce même combat. C’était une occasion pour le roi d’implanter un de ses fidèles combattants dans un comté où son autorité s’effilochait de plus en plus, mais cela mettait Raoul dans une position des plus délicates. Le comte avait été profondément choqué de cette ingérence dans ses possessions et ne se cachait pas pour manifester une vive hostilité envers ce chevalier sorti de nulle part. Bien que ce dernier bénéficiait du prestige de la protection royale, celle-ci perdit beaucoup de sa puissance après la mort du roi et l’immense confusion politique qui a suivi le partage de son héritage entre ses trois fils. 

Malgré le risque de se faire prendre, car les gens du comte étaient nombreux et ils veillaient scrupuleusement au respect de leur privilège, certains pères de famille de la Rochemouillée se risquaient parfois à y tendre des filets, la nuit, quand la famine les y poussait. C’était cependant risqué, car l’amende était beaucoup trop élevée pour ces simples paysans. Elle pouvait alors être remplacée par un asservissement du coupable au profit du plaignant, en l’occurrence le comte, qui faisait aussi office de juge! Toutefois, ce printemps là, même si la faim se faisait cruellement sentir dans le hameau, personne ne s’était aventuré à chercher à améliorer sa pitance quotidienne en allant braconner dans la rivière, car, à part Karl, le grand-père presque moribond de Hugues, et Rumi, le boiteux, il n’y avait pas un seul homme de plus de douze ans à la Rochemouillée. L’automne précédent, ils avaient tous été réquisitionnés par le prévôt du comté pour aller travailler à la construction des fortifications qu’Odaric était en train d’ériger là-haut, aux sources de la rivière, à l’entrée du col des Pendus par où les troupes royales devraient nécessairement passer si elles venaient pour le soumettre, si jamais les grands du royaume finissaient un jour par s’entendre pour élire un roi. . 

Astreindre ces paysans à une si longue corvée loin de leurs terres et de leur famille était une grande injustice. Ils payaient pour leur maître, le chevalier de Villechier, retenu prisonnier dans un cachot du palais du compte pour avoir refusé de lui prêter un serment de fidélité et sous l’accusation d’avoir comploté contre le roi en recevant chez lui un émissaire du duc d’Aquitaine. Il était clair cependant que cette accusation en provenance d’un si douteux partisan du roi ne pouvait être que fallacieuse puisque l’émissaire en question n’était autre que le frère de Raoul, Bertrad, un clerc de second ordre, mais rattaché, il est vrai, à une célèbre abbaye qui avait toujours eu la réputation d’être fidèle au duché d’Aquitaine, de tout temps reconnu pour être un des plus farouches adversaires de la dynastie carolingienne. De plus, il était flagrant que ce qui avait soudainement poussé le comte, après plusieurs années d’une prudente réserve, à soudainement exiger ce serment auquel le chevalier pouvait se soumettre de bon gré, mais auquel il ne pouvait en aucun cas être obligé du fait de son privilège royal, avait sa source dans un incident qui avait eu lieu l’été précédent et qui impliquait Lisbeth, sa femme. 

À suivre... 

Le premier épisode au complet est disponible sur le site Atramenta. Vous pouvez y accéder en cliquant ici. Les textes peuvent y être lus en ligne ou téléchargés gratuitement sur PDF ou sur e-book.


jeudi 22 novembre 2012

Quand l’écriture d’une petite histoire de fiction entraîne une recherche historique



Depuis quelques semaines, depuis la dernière fois où j’ai publié quelque chose ici, sur Cantique des plaines, je travaille sur une histoire qui se passe au Haut Moyen-âge pendant les invasions vikings. Le Haut Moyen-âge est la période qui va de la déposition du dernier empereur romain en 476 jusqu’à environ l’an 1000. Charlemagne est couronné empereur en 800 et c’est à partir de la fin de son règne que les scandinaves (vikings) vont faire des excursions de pillage dans toute l’Europe Occidentale, se rendant même jusqu’en Méditerranéen. 

À partir d’une discussion à laquelle j’ai participé sur le forum du site Atramenta sur l’utilisation du narrateur au «je» versus le narrateur à la troisième personne du singulier «il», j’ai eu envie (moi qui instinctivement a tendance à presque toujours écrire au «je») de faire l’expérience d’écrire une histoire au «il». 

C’est comme cela que mes deux personnages ont surgi dans mon esprit : Hugo et Aldo, deux jeunes garçons d’environ 10 ans qui s’en vont pêcher dans un lac éloigné de leur village dans l'espoir de ramener suffisamment de poissons pour nourrir leur famille. En effet, il y avait souvent des périodes de famines à cette époque, presque à tous les 5 ou 6 ans. À leur retour, ils découvrent que leur village est en train de se faire piller par une bande de vikings. Les deux enfants seront capturés par ces normands qui vont les amener avec eux jusqu’en Espagne pour aller les vendre comme esclaves. À partir de là une foule d’autres aventures seraient possibles, au Maroc, en Méditerranéen, au Açores et même peut-être jusqu’en Amérique ! 

Bien sûr, il s’agirait d’une fiction. J’avais 6 ou 7 pages d’écrit quand j’ai commencé à me poser beaucoup de questions sur le contexte historique dans lequel se situait mon histoire. Je me suis rendu à la bibliothèque municipale de mon quartier et j’y ai trouvé un livre sur les vikings. Cela a rafraichi mes connaissances sur cette partie de l’histoire, mais cela a aussi soulevé un lot d’autres questions sur l’organisation sociale et économique de l’époque. C’est ce qui m’a amené à me rendre à Bibliothèque Nationale du Québec où j’ai emprunté 7 livres qui, je l'espérais, allaient pouvoir m'aider à mieux cerner le milieu dans lequel vivaient les personnages de mon histoire :  

  • Féodalité, de Georges Duby.
  • Guerriers et paysans (VIIe - XIIe siècles), de Georges Duby.
  • La société médiévale en Occident, de Bruno Dumézil.
  • Ces gens du Moyen-Âge, de Robert Fossier.
  • Le travail au Moyen-Âge, de Robert Fossier.
  • Histoire sociale de l’occident médiéval, de Robert Fossier.
  • L’Europe dans sa première croissance, de Charlemagne à l’an mil, de Pierre Toubert.

J’ai feuilleté, parcouru, lu plusieurs chapitres de ces livres, puis, en ayant en tête des thèmes de recherches plus précis j’ai fait une recherche sur internet où j’ai trouvé deux livres, en partie disponibles en ligne sur Google Books (Vous pouvez cliquer sur l'icône pour être directement dirigés dans les pages du livre :  

  • Voyageurs et marchandises aux temps carolingiens : les réseaux de communication entre Loire et Meuse aux VIIIe et IXe siècles, de Olivier Bruand. 
Front Cover

  • Famille et pouvoir dans le monde franc (VIIe - Xe siècle) : Essai d’anthropologie sociale, de Régine Le Jan. 
Front Cover


Ces lectures m’ont un peu éloigné de mon sujet initial : l’histoire de deux garçons qui se faisaient enlever en revenant de la pêche, mais j’y retourne maintenant en espérant avoir assez de matériel pour construire une histoire plausible. 

Note de lecture qui est centrale dans ce que je veux écrire : Georges Duby dans la première partie de son livre : Économie rurale et la vie des campagnes dans la l'occident médiévial souligne fortement la persistance de la vie pastorale, de la cueillette, de la pêche, concurrençant les labours que, d'ailleurs, les techniques misérables vouent à la médiocrité ; il apporte ainsi un élément neuf à la compréhension de la société carolingienne : celui du problème alimentaire, et de ses répercussions, fondamental en ces temps de disette chronique. 




jeudi 1 novembre 2012

"Cantique des plaines" de Nancy Huston


Je pense souvent à Cantique des plaines.


Cantique des plainesIl s'agit d'un roman que Nancy Huston a publié en 1993. C'est l’oeuvre que j’ai analysée dans mon mémoire de maîtrise déposé en 2008 à l’Université du Québec à Montréal.

Disons pour commencer que mon but ici n’est pas d’attirer l’attention sur ce travail que j’ai intitulé : Temps et récit dans Cantique des plaines et dont je connais trop bien les faiblesses, mais plutôt de déplorer de ne pas avoir réussi à mieux mettre en valeur les trouvailles que j’y ai faites. 

Il demeure en effet évident pour moi que Cantique des plaines est une oeuvre d’une grande intelligence et que je suis loin d’être le seul à m’en être aperçu, car une foule d’analyses critiques ont été publiées sur lui au cours des années qui se sont écoulées depuis sa parution, soulignant ses nombreuses qualités. Cependant, même si plusieurs d’entre elles font ressortir l’importance de la thématique du temps dans le roman de Huston et signalent les nombreuses références aux Confessions de Saint-Augustin que l’on y trouve, aucune d’entre elles ne fait mention des liens qui l’unissent à Temps et récit, un essai du philosophe français Paul Ricoeur. À ma connaissance, je suis le seul à l’avoir fait. C’est dommage, car selon moi le rapport entre ces deux oeuvres est absolument essentiel si l’on veut bien comprendre le roman de Huston et surtout y découvrir tout ce que peut vouloir signifier son titre qui est loin de se limiter à présenter une histoire qui se passe dans l'Ouest canadien, comme d'ailleurs sa page couverture semble vouloir l'indiquer. 

L’année qui a suivie le dépôt de mon mémoire, j’ai écrit un article sur cette question dans le but de le faire publier par une revue littéraire. Malheureusement, celle-ci l’a refusé. C’est à cette injustice que j’aimerais tenter de remédier en publiant cet article sur un site de publication en ligne, le site Atramenta sur lequel j’ai déjà publié deux de mes écrits.

Ceux qui veulent en savoir plus peuvent donc cliquer sur ce lien pour lire mon article.   

vendredi 26 octobre 2012

Réécrire ou ne pas réécrire ?


Récemment, un incident m’a fait repenser à un petit roman que j’ai écrit il y a dix ans. 

En effet, de 2000 à 2002, j’ai enfin réalisé le rêve, que j’avais depuis que j’étais venu vivre à Montréal, en 1987, de suivre les cours du certificat en création littéraire de l’Université du Québec à Montréal. 

Comme j’avais obtenu mon diplôme d'études collégiales (DEC) en sciences humaines en 1972, après avoir abandonné à 2 reprises ma dernière session, j’ai été automatiquement admis au certificat (celui-ci n’étant pas contingenté), lorsque j'ai fait ma demande d'admission en 88 ou 89, je ne sais plus trop exactement. Par contre, je me suis heurté à un problème de taille lorsque j’ai voulu m’inscrire à des cours : tous les cours se donnaient le soir et je travaillais le soir. 

Cela m’avait énormément frustré. Dans les années suivantes, j’ai pris toutes de sortes de cours qui se donnaient l’avant-midi ou en début d'après-midi : des cours d’anglais au Cegep Dawson ; des cours par correspondance afin de compléter le cours de mathématiques du secondaire 5 que je n’avais j’avais fait ; des cours en gestion de l’imprimerie au Cegep Ahuntsic, de 1990 à 1993 ; des cours d’Histoire (à l’Université de Montréal : un cours d’Histoire des États-Unis un automne et un autre sur l’Histoire de la Nouvelle-France au cours de l’hiver suivant, mais comme je manquais terriblement de sommeil à cette époque, assister à ces cours magistraux était très pénible et j’ai laissé tomber) ; et, finalement, des cours de yoga à partir de 1998. Cours que j’ai suivi une fois par semaine pendant 4 ans jusqu’à ce que je démissionne de mon emploi à temps plein en 2002, pour m’inscrire à temps plein au programme du Bac en Études Littéraires de l’Uqam après avoir terminé le certificat en création. Donc, j’ai suivi les dix cours de ce certificat et le dernier consistait à écrire un mini roman d’une soixantaine de pages que j’ai intitulé : Maria!... 

Ce fut une expérience très difficile. Tous mes rêves de devenir un écrivain se sont effondrés. C’était la première fois que j’écrivais quelque chose d’une telle ampleur, car dans les ateliers d’écriture auxquels j’ai participé pendant ces études, nous n’avions que des textes de dix pages à écrire. 

J’ai trouvé mon roman complètement cucu avec son histoire d’amour d’adolescent et son intrigue peu excitante. Par contre, j’étais, et je le reste, très fier de la description du milieu et des conditions de travail dans une reliure industrielle que l’on y trouve.

Je l’ai relu la semaine dernière et je n’ai pas trouvé cela si mauvais. Cela se tient. Par contre, j’y ai rencontré beaucoup de fautes, surtout au niveau de l’accord des participes passés. À l’époque je n’avais pas encore suivi les cours de grammaire que j’ai pris par la suite. J’ai corrigé ces fautes, du moins celles qui m’ont sauté aux yeux, et j’ai, je crois, amélioré certaines expressions orales québécoises que l’on trouve dans les dialogues afin de les rendre plus compréhensibles. 

Par contre, j’ai hésité à entreprendre un gros travail de correction en ce qui concerne ce  que je considère comme un gros problème de voix narrative. La première partie du roman est racontée au «je». À un moment donné cependant, un personnage interpelle le narrateur et lui dit d’améliorer son histoire afin de la rendre plus excitante. La voix narrative passe alors à la troisième personne du singulier pour quelques chapitres, mais revient ensuite au «je». C’est comme si le naturel reprenait inconsciemment le dessus. Pour moi, la fiction est surtout due à un travail onirique et ce rêve éveillé se déroule évidemment au «je».

Dois-je réécrire ces chapitres ?

Mon désir de rendre public ce texte exigerait que je le corrige. Est-ce la paresse de le faire ou est-ce que l’idée de ne pas le faire aurait une motivation valable ? Qu’est-ce que vous en pensez ? 

Mon idée de ne pas le faire s’appuie sur le fait que le retour inconscient de la voix narrative au «je» répond aux besoins du jeu narratif et contribue à un enjeu qui est sous-jacent à l’intrigue principale : l’écriture elle-même. Mais peut-être que cela n’est que de la foutaise. En effet, je suis paresseux de nature. Et puis, ce n’est pas bien grave, il ne s’agit que d’un roman de jeunesse, même si j’avais 50 ans quand je l’ai écrit, et c’est normal d’y trouver des erreurs. Le problème, c’est que je me retrouve avec les mêmes problèmes de voix narratives dans le roman que j’ai entrepris d’écrire par la suite et qui, des années plus tard, est toujours en panne. 

Réécrire ou ne pas réécrire ? 

Je dirais plutôt : Écrire ou ne pas écrire, être ou ne pas être... 

Il est possible de lire Maria !... sur le lien suivant :  ici sur le site Atramenta de publications en ligne. 

Post Scriptum deux semaines plus tard : 

Je viens de faire l'expérience de tenter de changer au "il" la partie de Maria ! où j'étais revenu au "je" sans m'en rendre compte. Au bout d’un paragraphe, j’ai cependant décidé de laisser tomber l’idée parce que ça implique beaucoup trop de changements et j’ai même l’impression que ça l’appauvrit énormément, car je dois laisser tomber tous les dialogues intérieurs qu'en toute logique un narrateur extérieur ne pourrait pas raconter. Je me trompe peut-être, mais j'aime la façon dont cette histoire est racontée et je n'ai pas envie de la massacrer. 





lundi 17 septembre 2012

Heureux sans Dieu




Quel beau titre ! je me suis dit en l’apercevant alors que je faisais une recherche sur internet pour savoir qui était ce Daniel Baril dont je venais de lire un texte dans le journal. 

Heureux sans Dieu

Heureux sans Dieu est un ouvrage collectif dirigé par Normand Baillargeon et Daniel Baril dans lequel 14 personnalités québécoises racontent comment elles sont devenues athées ou, du moins, agnostiques. On y trouve : 

  • Le credo d’une incroyante de Louise Gendron, ex-journaliste à l’Actualité, maintenant à la revue Châtelaine.  
  • De jésuite à athée de Yves Lever, Professeur de cinéma à la retraite au Cegep.
  • Ce que je crois de Cyrille Barrette, professeur de biologie à la retraite à l’Université Laval.  
  • Credo de Arlette Cousture, écrivaine. 
  • Le pari de la raison de Yves Gingras, professeur d’histoire à l’Université du Québec à Montréal.
  • Cette hypothèse dont je n’ai pas besoin de Yanick Villedieu, journaliste scientifique à Radio-Canada.
  • J’ai raison de Ghislain Taschereau, humoriste.
  • Confidences d’un mécréant humaniste de Normand Baillargeon, professeur de philosophie de l’éducation à l’Université du Québec à Montréal.
  • Ma libération de l’emprise de la religion de Louisette Dussault, comédienne.
  • Si Dieu existait, ça se saurait de Daniel Baril, journaliste et rédacteur en chef de la revue Citée Laïque, ex-président du Mouvement laïque québécois.
  • Dieu est incroyable de Martin Petit, humoriste.
  • Crois ou crève ! de Isabelle Maréchal, journaliste et animatrice à la radio et à la télévision.
  • Croire est renoncer à connaître de Louis Gill, professeur d’économie à l’Université du Québec à Montréal.
  • Mythanalyse de Dieu de Hervé Fischer, philosophe.   

Ce livre est présenté comme une «sortie du placard» pour les personnes qui ont osé y publier leur témoignage. La «sortie du placard» est une expression généralement utilisée lorsqu’un homosexuel décide de s’afficher publiquement comme tel, au lieu de vivre sa différence dans la clandestinité. Comme pour l’homosexualité, il y a autour de l’athéisme une désapprobation sociale que certains tentent d’éviter en gardant leurs idées pour eux.   

Cependant, la lecture des différents cheminements qui composent le recueil ne m’a pas beaucoup impressionné et je me suis demandé pourquoi. La réponse la plus plausible qui m’est venue à l’esprit est que peut-être que je trouve, maintenant, tellement normal d’être athée que je ne m’extasie plus devant des témoignages qui, au fond, racontent à peu près la même chose que ce que moi j’ai vécu. Cela est vrai pour les textes dont les auteurs font partie de ma génération et qui ont connu l’époque de la domination de l’Église catholique. Par ailleurs, je crois que des témoignages de personnes plus jeunes qui n’auraient pas reçu la même éducation religieuse, comme mes fils par exemple, m’apparaitraient beaucoup plus intéressants. Ainsi, les témoignages d’Isabelle Maréchal, Ghislain Taschereau et Martin Petit ressortent dans ce recueil, d’une part, par leur contenu et, d’autre part, par leur longueur qui contraste avec les autres témoignages par leur brièveté, comme si cela voulait dire que ça ne vaut pas la peine d’en parler autant. 

Finalement, le plus grand plaisir que m’a donné ce livre, c’est la possibilité que j’ai eu d’y découvrir des références à d’autres livres qui traitent du même sujet et que je me  propose de lire prochainement : 

  • Pour en finir avec Dieu de Richard Dawkins
  • Dieu, l’hypothèse erronée, comment la science prouve que Dieu n’existe pas, de Victor Stenger
  • Et Dieu dit : «Que Darwin soit!» de Stephen Jay Gould
  • Dieu n’est pas grand de Christopher Hitchens 
  • Traité d’athéologie de Michel Onfray
  • L’esprit de l’athéisme de André Comte-Sponville
Le premier de ces livres à me tomber sous la main est celui de Stephen Gould : Que Darwin soit !. Bien qu'il s'intéresse surtout au débat entre les créationistes et les évolutionistes aux États-Unis, il contient une foule d'informations sur Darwin et m'a donné le goût sur cet homme et son oeuvre.   

jeudi 13 septembre 2012

Chercher les forces neuves, participation aux Impromptus littéraires


Cette semaine, la consigne d'écriture sur le site les Impromptus littéraires se libellait ainsi : 

nous vous proposons d'écrire un texte (à votre choix en vers ou en prose) en vous inspirant de cet extrait de poème de Guillaume Apollinaire (Calligrammes) :

"Et de planètes en planètes
De nébuleuses en nébuleuses
Le Don Juan des milles et trois comètes
Même sans bouger de la Terre
Cherche les forces neuves"


Voici mon texte : 


"Et de planètes en planètes, de nébuleuses en nébuleuses, le Don Juan des milles et trois comètes, même sans bouger de la Terre, cherche les forces neuves" qui lui permettront de se lever pour aller s’occuper de la petite avant qu’elle ne réveille sa mère à force de trop pleurer pour avoir sa bouteille. Dur, dur le métier de père, surtout à cinq heures du matin, alors qu’il s’était endormi presque à deux heures après avoir fait l’amour et jasé longtemps ensuite pour essayer de rassurer sa femme au sujet d’une voisine un peu trop aguichante aux yeux de la nouvelle maman encore une fois inquiète d'avoir perdu son pouvoir de séduction sur son homme.

La petite fille se tut à partir du moment où il l’a prise dans ses bras. Délicatement, il descendit au rez-de-chaussé après avoir fermé la porte de la chambre où son épouse dormait d’un profond sommeil. En chemin, il se rendit compte à l’odeur que la couche était pleine. Il voulut la changer sur la table avant de préparer le biberon, mais la petite ne l’entendit pas ainsi et se remit à crier. Il lui donna un jouet en plastique qui trainait à côté et elle se mit la tête de la tortue dans la bouche pour la téter bruyamment. Cela lui donna le temps de sortir le lait, remplir la bouteille et la mettre dans le micro-onde tout en surveillant sa fille qui était couchée au milieu de la table. Il n’y avait plus de tétines propres dans l’armoire et il dut en rincer une de la veille. Dans la fenêtre au dessus du lavabo, la lune brillait encore, mais les étoiles commençaient à s’estomper dans la lueur de l’aube. La porte de la maison d’en face s’ouvrit et il vit un homme en sortir. Louise, la voisine, se tenait dans la porte et il distingua clairement sa nudité dans l’entrebâillement de sa robe de chambre quand elle tendit les bras pour prendre la main de l’homme et se la mettre entre les cuisses, là où son sexe devait être encore tout chaud et mouillé. De son autre main, l’homme s’empara de l’un des seins et le caressa. Ils s’embrassèrent, puis l’amant la laissa pour aller rejoindre son auto stationnée un peu plus loin dans la rue. Elle le regarda s’éloigner et allait refermer la porte quand soudain son regard se porta vers la fenêtre faiblement éclairée où son voisin l’observait. Bien que surprise, elle n'eut pas l'air de se sentir gênée car elle lui sourit. 

Au même moment, la tortue de plastique tomba sur la table et la petite se mit immédiatement à crier, le ramenant à son devoir. Il se précipita pour la consoler, la bouteille à la main. L’enfant s’en empara goulument et il n’eut qu’à l’aider à la tenir en équilibre au dessus d’elle, ses petites mains ne réussissant pas à le faire. Il la regarda boire et, en dedans de lui, il se sentit rempli d’une nouvelle force. Il restait la couche à changer, mais ce n’était rien. Il était certain que sa fille allait se rendormir et qu’il aura le temps ensuite de se glisser auprès de sa femme pour se fondre encore en elle avant qu’il ne soit l’heure de se lever pour aller travailler. 


mardi 4 septembre 2012

La correction, participation aux Impromptus littéraires


Voici ce que j'ai écrit pour participer au thème de la semaine sur le site des Impromptus littéraires. Il s'agissait d'écrire un texte selon directive suivante : 
Le mot correction a pris des sens très différents.
Dites-nous, en vers ou en prose, ce qu’il évoque pour vous.



La correction

La leçon fut donnée par l’équipe de soir tout de suite après le départ des patrons, vers 17 heures. Nous étions en négociations pour le renouvellement de la convention collective et, en guise de moyen de pression, le mot d’ordre avait été lancer de refuser de faire du temps supplémentaire. 

Dès 15 heures, la rumeur s’était répandue que l’un des pressiers de l’équipe de jour continuait de travailler. Alerté, le délégué syndical se rendit auprès de celui-ci pour lui rappeler, presque en s’excusant car c’était un homme qu’il respectait énormément, qu’il ne devrait pas être là. L’autre lui répondit qu’il devait terminer ce travail, car il était promis pour le lendemain et qu’il n’y avait personne d’autre qui pouvait le faire. Peu importe, lui a répondu le délégué, il faut que tu obéisses au mot d’ordre sinon tu risques d’avoir des ennuis. Mais l’homme avait la tête dure et il n’arrêta pas sa machine. 

Dans l’atelier, l’agitation était à son comble. Les ouvriers allaient d’un poste de travail à l’autre pour discuter de ce qu’il fallait faire. Puis, d’un commun accord, tous arrêtèrent leur machine pour se diriger, avec plus ou moins de détermination selon chacun, vers l’unique presse encore en opération. Le délégué fut le dernier à se joindre à eux. Il les suivit en se traînant les pieds. En silence, ils entourèrent le travailleur récalcitrant qui, par réflexe devant l’éminence d’un problème, tendit la main vers le tableau de contrôle pour interrompre l’approvisionnement en papier de la presse et stopper ensuite son moteur. Personne n’osait prendre la parole le premier et, finalement, tous se tournèrent vers le délégué qui se tenait un peu en retrait. Mal à l’aise, celui-ci s’avança devant le pressier et, après s’être raclé la gorge, il lui dit qu’il devait s’en aller sur le champ. L’autre protesta. Un coup de poing en provenance de l’un des plus véhéments partisans de la manière forte s’abattit sur sa mâchoire. Le délégué s’interposa immédiatement, prit la victime par les épaules et le poussa rapidement vers la porte de sortie.      

La correction vint deux ans plus tard. Entre temps, l’entreprise avait fermé ses portes, laissant sur le pavé une centaine de travailleurs qui s’étaient tous lancés en même temps dans une course à l’emploi rendue encore difficile par le contexte économique. Un jour, l’ex-délégué syndical vit une annonce dans le journal offrant un poste dans son domaine de travail. Il se rendit sur place, rencontra le directeur des ressources humaines avec qui il eut une très prometteuse conversation et ils effectuèrent ensuite ensemble une visite de l’usine. En chemin, ils croisèrent un homme que le directeur lui présenta comme étant son nouveau contremaître. Cependant, contrairement au bon usage, celui-ci ne s’avança pas pour lui serrer la main, mais pris plutôt le directeur par le bras pour l’amener à l’écart et s’entretenir avec lui à voix basse tout en jetant un regard noir vers l’ex-délégué. C’était l’homme qui avait reçu le coup de poing. 

Affichant un sourire des plus aimables qui contrastait avec la froideur de son regard, le directeur revint vers le demandeur d’emploi pour lui expliquer qu’il devait interrompre la visite qu’ils étaient en train de faire, car un grave problème requerrait son attention immédiate. Tout en l’entraînant vers la porte de sortie, il l’avisa qu’il présenterait sa candidature au bureau de la direction et qu’on l’appellerait dans les semaines suivantes si elle était retenue.    

vendredi 31 août 2012

La mer à l’aube, un film de Volker Schlondorff


Inutile d’attendre de moi une critique sur la mise en scène ou le jeu des acteurs dans ce film de Volker Schlondorff (un réalisateur allemand francophile qui nous a déjà donné plusieurs bons films dont, entre autres, Le Tambour, Un amour de Swann, L’honneur perdu de Katharina Blum, La servante écarlate. Voir sa fiche sur Wikipedia ici). Quand un film réussit à m’émouvoir au point que je dois déployer de continuels efforts pour retenir mes larmes, je n’ai pas un mot à dire sur ses éventuels défauts. 





Il a été présenté cette semaine dans le cadre du Festival International de Montréal. J’en ai entendu parlé un peu par hasard, la veille, en lisant un article dans le journal. Cela m'intéressait de le voir, d’une part, parce que j’avais déjà lu des choses sur le sujet, entre autres lors d’une controverse suscitée par Nicolas Sarkozy il y a quelques années, lorsqu’il a voulu rendre obligatoire pour les lycéens français la lecture à chaque début d'année scolaire de la lettre qu’a écrit Guy Moquet, le plus jeune des otages exécutés par les allemands en 1941 en représailles pour l’assassinat d’un officier allemand. Il y avait aussi une controverse dont j’avais déjà entendu parlé au sujet du terme «résistant» qui selon certains ne pouvait être associé à ces communistes qui avaient été choisi pour être exécutés alors qu’ils avaient été emprisonnés pour des activités en lien avec le PC, alors que celui-ci n’était pas encore entré dans la résistance à cause de l’alliance Staline-Hitler qui a précédé l’invasion de l’URSS par l’armée allemande. Par ailleurs, plusieurs des thèmes soulevés par ce film me tiennent aussi à coeur : le courage, la lâcheté, l’obéissance ou non à des ordres ou des lois injustes. 

Vous pouvez vous informer davantage sur le film en visitant le site de Arte (oui, c’est un film réalisé pour la télévision !) en cliquant sur ce lien. Plusieurs extraits du film y sont disponibles ainsi qu’une entrevue avec son réalisateur. Vous pouvez aussi y trouver divers liens qui donnent des informations historiques sur ces événements.

Pour ma part, j’ai l’intention de m’informer davantage sur Ernst Junger, un écrivain allemand qui a aussi été un des protagonistes dans cette histoire puisqu’à l’époque il était officier d’état major dans l’armée d’occupation allemande en France. Les thèmes qu’il a soulevé dans son oeuvre me semblent, je crois, toujours d’actualité. Vous pouvez pour lui aussi, commencer par consulter Wikipedia sur ce lien si cela vous intéresse.  

Pour terminer, un autre extrait du film. Il faut bien que je profite de ma nouvelle expertise en intégration de vidéo sur mon site.  


mercredi 15 août 2012

Une lecture de "À la recherche des Mayas" de Victor W. von Hagen


Je viens de terminer la lecture d’un beau petit livre : «À la recherche des Mayas» (voir ici le site du l'éditeur). 



À la recherche des Mayas



Je ne sais pas pourquoi je dis qu’il est petit, car il fait quand même plus de 300 pages. Peut-être qu’il m’apparaît petit si je le compare aux briques qui traînent sur mon bureau depuis quelques mois. Je parle de «1491»(voir ici) et «1493»(voir ici) de Charles C. Mann ainsi que l’histoire des indiens de l’Amérique du nord écrite par Colin G. Calloway : «One vast winter count, the natives american west before Lewis and Clark» (voir ici). J’ai terminé «1491», mais je n’arrive pas à mettre par écrit la critique que je mijote depuis le mois de juin. Quant à «1493» et l’autre, ils sont en anglais et ma lecture est très lente dans cette langue. Lente parce que je suis souvent obligé de réfléchir sur le sens des mots et aussi parce qu’à lire ainsi je me fatigue vite et que cela m’amène à prendre des pauses qui durent parfois des jours. Je l’ai même interrompue pendant presque tout le mois de juillet (ce qu’on appelle des lectures de vacances) pour lire deux romans policiers : «L’homme inquiet» de Henning Mankel et «L’homme du lac» de Arnaldur Indridason. C’est la première fois que je lisais un roman de ce dernier, un islandais, et ce fut une belle découverte. Quand à Mankel, je l’ai trouvé aussi tristounet qu’à l’habitude, mais intéressant étant donné que j’ai le même âge que son personnage, Kurt Wallander, et que son titre «L’homme inquiet» s’applique autant à celui-ci qu’à l’individu sur lequel il enquête ainsi qu’à moi-même. 

C’est dans Le Monde Diplomatique du mois de juillet que j’ai lu un petit compte-rendu du livre de Victor W. von Hagen : «À la recherche des Mayas» :
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les historiens croyaient que les temples enfouis dans la jungle de l’Amérique centrale avaient été bâtis par les Phéniciens, les Carthaginois, les Égyptiens ou même par les tribus perdues d’Israël. Il a fallu que deux passionnés d’archéologie, le diplomate américain John Lloyd Stephens et l’architecte britannique Frederick Catherwood, parcourent pendant quatre ans, de 1839 à 1843, des centaines de kilomètres, notant leurs découvertes dans des carnets de voyage illustrés de dessins d’une remarquable précision, pour apporter les preuves d’une civilisation amérindienne : celle des Mayas. Dans un ouvrage passionnant qui vient d’être traduit en français, l’anthropologue Victor W. von Hagen raconte comment ces deux hommes, bravant tous les dangers, épuisés par le paludisme, mirent au jour une civilisation qui, sans eux, aurait peut-être sombré dans l’oubli.   


Après avoir lu cela, j’ai, par curiosité, vérifié si je pouvais trouver ce livre à la bibliothèque : il y était ! On peut aussi le trouver chez Renaud-Bray.

Le début est un peu lent, l’auteur y faisant un résumé de la vie des deux explorateurs avant leur rencontre à New-York dans un style un peu vieillot (le livre a été publié pour la première fois en 1973, mais, d’après ce que j’ai compris de la date qui est inscrite à la fin de sa préface, il a commencé à y travailler dès 1937. Il a d’ailleurs publié un livre sur Stephens en 1946 et un autre sur Catherwood en 1947 de même qu’une douzaine de livre sur les Mayas et les Incas).

Là, où cela devient passionnant, c’est au chapitre 8, avec l’arrivée des deux compères à Belize qui sera suivie de la narration de leur périple jusqu’à Copan, le premier site maya qu’ils découvriront... exploreront. J’hésite à parler de découverte, car d’autres explorateurs y avaient déjà été avant eux, mais c’étaient des amateurs et leurs récits ainsi que leurs croquis n’étaient pas crédibles. De plus, ils se perdaient dans les plus folles conjonctures sur l’identité des bâtisseurs de ces monuments. Pour eux, il était absolument hors de question d’envisager la possibilité que les ancêtres des «sauvages» qui habitaient ces régions eussent pu concevoir et réaliser de telles merveilles. Stephens et Catherwood étaient déjà réputés pour les récits et les dessins qu’ils avaient publiés sur leur voyages en Égypte et en Arabie. Leur voyage en Amérique centrale était d’ailleurs financé à même les revenus que Stephens avait tiré du succès de ses chroniques de voyages «Incidents of travel in Arabia», alors que Catherwood s’était fait énormément d’argent avec ses immenses panoramas de Jérusalem, Thèbes, Damas et autres grandes citées de l’orient ou de l’antiquité, exposés à New-York. J’ai lu les deux cents pages suivantes en une seule journée !

Von Hagen cite énormément de passages des journaux de voyages et de la correspondance des deux explorateurs, ainsi que de multiples extraits de journaux intimes ou de correspondances de contemporains qui les ont côtoyés et qui étayent leurs dires. Il cite aussi de nombreuses études qui ont été faites par la suite sur les mayas. Malheureusement, elles ne sont pas à date, il leur manque en effet tout ce qui a été publié sur le sujet depuis.

En somme, à une époque où des visites des sites archéologiques mayas sont offertes à tous les touristes qui séjournent dans les tout inclus des côtes du Yucatan, il est bon de savoir dans quelles conditions ces sites ont été explorés. Des hommes ont littéralement sacrifié leur vie pour les mettre à jour. De plus cela peut contribuer, je crois, à nous faire prendre conscience de la fragilité des civilisations. Comme les mayas qui étaient sans doute aveuglés par la magnificence de leurs réalisations, nous pouvons nous aussi disparaître un jour si nous continuons à refuser de voir les signes de notre déclin.   

vendredi 11 mai 2012

El Hombre que amaba a los perros - L'Homme qui aimait les chiens, un roman de Leonardo Padura


Je viens de terminer la lecture en espagnol du roman El Hombre que amaba a los perros de l’auteur cubain Leonardo Padura et j’aimerais vous en parler parce que je l’ai trouvé très intéressant. 


                                                                                           
El hombre que amaba los perros (Maxi Tusquets) (Spanish Edition)



Je l’avais un peu mis de côté au cours des deux dernières semaines parce qu’en jetant un regard en passant sur les tablettes de la bibliothèque de ma blonde, mon regard était resté accroché sur 1491 ; une essai-synthèse (voir ici la page du livre sur Amazon et ici l'édition française sur le site de Renaud-Bray) d’un journaliste scientifique américain, Charles C. Mann, sur les plus récentes recherches archéologiques, anthropologiques et historiques au sujet des Amériques d’avant l’arrivée de Christophe Colomb ; dont elle m’avait plusieurs fois recommandé la lecture. En plus, tout en lisant ce livre absolument formidable, j’y ai découvert une référence à One vast winter count de Colin C. Calloway que j'ai aussi commencé à lire sur l'exemplaire numérique que je me suis acheté sur Google Books (voir ici). One vast winter count s'est en effet avéré être une passionnante histoire des indiens de l’ouest de l’Amérique du Nord d'avant l’expédition Lewis et Clark (1804-1806) envoyée par le Congrès américain pour explorer les territoires que les États-Unis ont acheté à la France en 1803. 


Comme j’avais pris mon exemplaire de El hombre que amaba a los perros à la Bibliothèque Nationale et que je ne pouvais pas renouveler mon emprunt parce que quelqu’un d’autre l’avait réservé, j’ai dû laisser tomber mes nouvelles lecture pour retourner lire rapidement ce qui me restait à lire du roman de Padura afin de pouvoir le remettre.


Pourquoi je m’étais intéressé à ce roman ? Je connaissais son auteur, Leonardo Padura, pour avoir déjà lu deux de ses romans précédents faisant partie d’une série ayant comme personnage principal Mario Conde, un policier de La Havane. Ces deux romans ne m’avaient pas vraiment épatés pour ce qui est de l’intrigue policière, mais, par contre, la description qu’on pouvait y trouver de la vie quotidienne à Cuba m’avait beaucoup intéressé. Je les avais lu en espagnol avec l’idée de me pratiquer à lire dans cette langue et c’est aussi dans ce but que j’ai fait de même avec El Hombre que amaba a los perros. Cependant le livre est disponible en français sous le titre L’homme qui aimait les chiens (voir ici la page de Renaud-Bray).



El hombre que amaba a los perros n’est pas un roman facile, car sa lecture exige une bonne base historique que l’on peut toutefois combler en cours de lecture en consultant Wikipedia, mais il en vaut la peine parce qu'il met en scène des événements qui ont marqué le 20e siècle tout en continuant à exercer une influence sur ce que nous vivons présentement.
Trois univers sont décrit dans le roman et se partagent à tour de rôle les différents chapitres. 
Cela commence d’abord par l’univers de Yvan, un cubain qui après la mort de sa femme se met à être hanté par le souvenir d’un homme qu’il a rencontré un jour, il y a plus de trente ans, sur la plage de Guanabo. Guanabo fait partie des plages situées à moins de vingt kilomètres de La Havane et qui sont très fréquentées par les cubains contrairement à d’autres plages, certes plus réputées internationalement, mais quasiment interdites aux locaux. Or, je connaissais déjà las playas del este pour y avoir séjourné à deux reprises dans le passé et cela a contribué à augmenter mon intérêt pour ce récit. Ce mystérieux inconnu, qui est toujours accompagné d’un chauffeur qui se tient en retrait, vient faire courir ses deux chiens sur la plage. Des chiens russes absolument introuvables à Cuba, mais que Yvan connaît parce qu’il travaille comme rédacteur pour une revue de vétérinaires, un travail qu’il a accepté après avoir été écarté de la carrière d’écrivain dont il rêvait parce qu’il ne s’était pas conformé aux règles imposées par le régime castriste. Les deux hommes commencent à échanger ensemble et petit à petit, au fil de leurs rencontres, l’inconnu lui raconte la vie d’un homme qu’il présente comme son ami, mais qui s’avérera finalement être lui-même. Cet homme, c’est Ramon Mercader, l’assassin de Trotsky.   
Le deuxième univers qui compose la trame de ce roman est celui de Trotsky. Un Trotsky que l’on retrouve en 1929 en Turquie après que Staline l’eut expulsé d’URSS. Cette partie du roman, quoique très intéressante, est un peu exigeante pour le lecteur, car il est nécessaire de connaître un peu l’histoire de l’URSS pour s’y retrouver. Mais, comme je l’ai dit précédemment, Wikipedia est là pour rafraîchir la mémoire quand c’est nécessaire. Trotsky, donc, le compagnon de Lénine et le fondateur de l’Armée Rouge est sorti défait de la lutte pour le pouvoir engendrée par la mort de Lénine et c’est Staline et la bureaucratie du parti qui a gagné. Réfugié pendant plusieurs années en Turquie, il essaie de rallier ses sympathisants pour s’opposer à la mainmise de Staline sur les mouvements marxistes du monde entier. Se sentant trop éloigné, il demande l’asile politique à la France qui accepte mais à la condition qu’il réside à l’extérieur de Paris et qu’il s’abstienne de toute activité politique, ce qui est bien sûr impossible. Il est donc expulsé deux ans plus tard, en 1935, et va se réfugier en Norvège où un gouvernement socialiste lui accorde une certaine sympathie. Mais il doit encore partir sous la pression à la fois des fascistes et du parti communiste norvégien pour aller au Mexique en 1937, où le peintre Diego Rivera et sa femme Frida Kahlo l’accueillent dans leur maison. Il y sera assassiné en 1940. 
Le troisième univers du roman est celui de Ramon Mercader, un militant communiste espagnol recruté par la NKVD, la police secrète de Staline. Là encore, il faut une certaine connaissance du contexte historique pour s’y retrouver dans ce méli-mélo de luttes fratricides qui caractérise la guerre civile espagnole. Rappelons brièvement que cette guerre a été déclenchée en 1936 par un coup d’état militaire mené par le général Franco pour s’opposer à l’élection d’un gouvernement socialiste. Les troupes fidèles au gouvernement étaient toutefois divisées entre plusieurs factions : communistes, socialistes, anarchistes, nationalistes, et ils allèrent jusqu’à se battre entre eux pendant que l’armée de Franco les attaquait. Plusieurs écrivains célèbres (Malraux, Hemingway) ont écrit des romans qui racontent ce conflit qui a fait près de un million de morts dans un pays qui comptait 26 millions d’habitants. Retiré des combats par un conseiller soviétique qui était l’amant de sa mère, Mercader reçoit un entraînement spécial et il est ensuite envoyé à Paris sous une nouvelle identité, Jacques Mornard. Il y fera connaissance avec une jeune américaine trotskiste qui l’introduira auprès de son chef. 
Ce qui m’a étonné dans ce roman, c’est sa critique du régime cubain à travers la critique du stalinisme. Je ne pensais pas qu’un écrivain cubain vivant à Cuba et non exilé ailleurs dans le monde pouvait se permettre d'écrire aussi librement. Quoique le nom de Castro n’y apparaît jamais, il est clair que les problèmes vécu par Yvan, le personnage de l’écrivain cubain, au cours de sa vie sont liés au fait qu’il vit sous un régime du même type que celui que Staline a imposé en URSS.
J’ai trouvé (ici) une critique du roman de Padura qui souligne que pour un auteur qui se targue d’être un journaliste d’enquête et auteur de romans policiers il est étrange qu'il ne soulève pas la question de savoir pourquoi Castro a accepté que Mercader trouve refuge à Cuba après qu’il eut purgé sa peine de 20 ans de prison pour le sordide assassinat qu’il a commis.
   
Cette critique est selon moi pertinente, mais elle n’enlève rien aux qualités littéraires de ce roman. 

Trotsky avait une relation particulière avec les chiens. Il les disait très intelligents, car ils pouvaient le comprendre peu importe la langue qu'il utilisait : russe, anglais, français ou espagnol. Mercader aimait lui aussi beaucoup les chiens et les deux avec lesquels il allait se promener sur la plage de Cuba étaient de la même race que celui que Trotsky a le plus aimé au cours de sa vie : Maya la chienne qui l'a accompagné au cours de son exil en Turquie. Pendant la période où il visitait Trotsky avant de l'assassiner, Mercader en était venu à craindre de ne pouvoir le faire à cause de la façon que celui-ci aimait les chiens. Quant à Yvan, lui aussi il aimait beaucoup les chiens. 



mardi 1 mai 2012

1491-1493



Depuis une semaine, j’ai quelque peu délaissé, mais pas abandonné, ma lecture du roman de Leonardo Padura, El Hombre que Amaba a los Perros, pour plonger dans tout autre chose. C’est aussi en espagnol, mais je compte bien me procurer la version française dans les prochains jours afin d’en faire une lecture plus approfondie. Il s’agit de 1491, un essai de Charles C. Mann, un journaliste scientifique américain reconnu qui a gagné à plusieurs reprises le National Magazine Award et qui a précédemment publié plusieurs livres, dont une histoire de l’aspirine, The Aspirine War, ainsi qu’une multitude d’articles pour des revues aussi connues que Science, Atlantic et Wired.

1491 (Second Edition): New Revelations of the Americas Before Columbus

1491 se veut une réponse à la question : Comment était l’Amérique avant l’arrivée de Colomb ? D’après les recherches qu’a fait Mann à travers les plus récentes études universitaires, l’Amérique était beaucoup plus peuplée et développée que ce que nous croyons et ce n’est pas la prétendue supériorité technique des européens qui leur a permis de s’implanter dans ce Nouveau-Monde, mais plutôt un affaiblissement généralisé des diverses sociétés qui y vivaient. Elles étaient décimées et désorganisées par les épidémies avant même d’être conquises. La plus grand hécatombe de toute l’histoire de l’humanité. Ainsi, selon les plus récentes études démographiques, l’Amérique précolombienne aurait été plus peuplée que l’Europe et Tenochtitlan (Mexico) aurait eu plus d’habitants que n’importe quelle cité européenne de son époque. 95 % des amérindiens disparurent entre 1500 et 1600. Que ce soit pour Cortès, Pizarro, les pèlerins du Mayflower et probablement aussi les français dans la vallée du Saint-Laurent, le même scénario s’est reproduit : la maladie était là avant eux ou en même temps qu’eux. 
Publié pour la première fois en 2005, 1491 a une suite qui s’intitule 1493 et qui a paru en 2011. Il n’est pas encore disponible en français, mais il sera sûrement traduit très bientôt. 

(Si vous cliquez sur le livre, un lien vous mènera sur sa fiche sur Amazon et vous pourrez lire son introduction) 



1493: Uncovering the New World Columbus Created

1493 s’intéresse aux changements apportés par la découverte des Amériques par Colomb. Comment notre monde est devenu global à partir du moment où les espagnols ont commencé à commercer avec la Chine en échangeant l’argent des mines de leurs possessions américaines contre de la soie, et comment la patate sucrée sud-américaine a permis aux chinois de survivre à une famine tout en provoquant du même coup une catastrophe écologique qui allait entrainer cette civilisation dans une décadence dont elle commence tout juste à se sortir.