mercredi 29 février 2012

Monsieur Lazhar et La Séparation


Monsieur Lazhar est un bon et beau film. Un film qui est plaisant à regarder et qui apporte beaucoup de satisfaction à son spectateur.  

La Séparation, que j’ai été voir hier, est différent. Un film d’une grande intelligence qui explore les subtilités de l’âme humaine. Il est extrêmement bien fait, mais pas vraiment beau, et, surtout, il ne conforte pas autant son spectateur que Monsieur Lazhar. En fait, il nous laisse avec beaucoup d’interrogations sur le sens de l’honnêteté et la notion de vérité. C’est très, très, très fort. En plus, il nous fait un peu mieux connaître un pays que nous ne connaissons pas beaucoup et qui va peut-être avoir une grande importance dans l’actualité internationale au cours des prochaines années.

N’empêche que cela me fait quand même de la peine que Monsieur Lazhar n’ait pas gagné l’Oscar du meilleur film de langue étrangère.    

lundi 27 février 2012

Deadwood


Je viens de terminer le visionnement des trois saisons de la télé-série Deadwood. Douze épisodes d’une heure par saison en trois semaines, soit 36 heures en tout, c’est beaucoup de temps devant le petit écran, surtout que ma blonde n’a pas voulu la regarder parce que, après en avoir vu une, elle a trouvé que c’était trop violent pour elle. En effet, chaque épisode comportait au moins une scène très violente et même si cela contribue à hausser l’intensité dramatique, je dois avouer que ce n’était pas absolument nécessaire d’aller aussi loin dans la reconstitution des multiples égorgements et autres mutilations qui s’y trouvent. Nonobstant cette réserve, c’était excellent. 
Pour ceux qui ne connaissent pas, voir ici et ici
J’ai lu que HBO a mis fin à la série parce qu’elle coûtait trop cher. Trop de personnages. Pourtant il est facile de se rendre compte qu’une multitude de figurants n’ont pas eu droit à la parole, car cela aurait sans doute augmenté leur cachet. Cela donne lieu à d’étranges scènes où les personnages principaux évoluent au milieu d’une foule muette. Cela ne doit pas être facile de se limiter quand notre propos est de redonner vie à une ville entière ! Ce n’est pas comme dans un long métrage où un temps limite d’une heure trente à deux heures limite nécessairement les possibilités d’expansion incontrôlée et incontrôlable. Sur 36 heures, si chaque sous-fifre pouvait s’exprimer, on n’en finirait plus d’explorer de nouveaux univers et on perdrait la piste de la narration.
J’ai cependant un malaise avec le personnage de Al Swearengen, le tenancier du Gem Saloon joué par Ian McShane. Un rôle pour lequel il a remporté le Golden Globe Award 2005 du meilleur acteur de série dramatique. Même si c’est un être sans pitié, capable d’assassiner ou de faire assassiner quiconque nuit à ses intérêts, j’en suis arrivé à le trouver sympathique et à attendre avec impatience les scènes où il apparait. «Sympathique» est peut-être un peu fort, «intéressant» serait peut-être plus approprié. 
Toutefois, comme dans toute série, le récit évolue en faisant parfois de curieuses embardées. C’est peut-être dû au fait que plusieurs scripteurs se succèdent à la barre de l’écriture faisant évoluer les personnages dans un sens puis dans l’autre pour finalement aboutir complètement ailleurs que l’on pensait. Cet aspect serait intéressant à analyser plus en profondeur.    
En fin de compte, les 36 heures de visionnement valent bien les 36 heures que peut prendre la lecture d’un roman qui aurait cette amplitude. Sauf que regarder un écran n’implique pas le même travail intellectuel que la lecture. Car en plus du déchiffrement des mots et de la saisie des métaphores, la lecture implique un immense travail d’imagination pour reconstituer les scènes décrites dans le texte. Je n’ai jamais l’impression de perdre mon temps quand je lis alors que j’ai toujours cette crainte quand je regarde la télé. Ce qui n’est cependant pas le cas au cinéma. Étrange... 

mardi 21 février 2012

Participation aux Impromptus Littéraires : Le mariage de ma cousine


Cette semaine, sur le site des Impromptus Littéraires (lien ici), l'exercice consiste à écrire un texte ayant pour thème "Le mariage de ma cousine". Comme certains des commentaires que j'ai eu sur ce site au sujet de mon texte semblent indiquer que l'on puisse croire qu'il s'agit du récit d'un fait vécu, je tiens à préciser que c'est une fiction. 


Le mariage de ma cousine


J’avais dit à ma mère que je n’irais pas au mariage de ma cousine, la fille de l’une de ses soeurs. Mais, à la dernière minute, il m’est soudainement paru important de participer à cette réunion familiale et j’ai commencé à faire des appels pour savoir si je pouvais m’y rendre avec quelqu’un, car, à cette époque, je n’avais pas d’auto. 
Malheureusement, comme le mariage avait lieu à Québec, tout le monde avait décidé d’en profiter pour passer la fin de semaine dans cette ville et d’y arriver le vendredi soir, alors que pour moi c’était tout à fait hors de question que je manque ma pratique de chorale. Comme il n’était pas question non plus que je prenne l’autobus, faute d’argent, j’avais renoncé à y aller. 
Ce vendredi là, j’étais déjà couché quand le téléphone a sonné. C’était ma mère. Elle m’appelait de Québec pour me dire que si je voulais je pouvais avoir la possibilité d’embarquer le lendemain matin avec le frère de la mariée : mon cousin Antonin. Je n’avais qu’à l’appeler à un numéro qu’elle me donna. Il était déjà au courant.
Mon Dieu, Antonin ! Je l’avais complètement oublié celui-là. La dernière fois que je l’ai vu, nous avions autour de 12 ans. C’était à la campagne, chez mon oncle Rémi, le frère de ma mère. Comme nous étions les deux seuls garçons, nous avons rapidement convenu d’aller explorer la ferme. En ouvrant la porte de l’étable, nous avons fait détaler une dizaine de chats qui étaient en train de s’abreuver dans des soucoupes remplies de lait. L’un d’eux est cependant resté. L’animal était couché sur le dos les quatre pattes en l’air, attendant manifestement qu’on le caresse. Antonin s’est approché et lui a mis un de ses pieds sur le ventre. Le chat s’est agrippé à son soulier et mon cousin m’a alors regardé d’une étrange manière. Il souriait, mais son sourire avait quelque chose de malsain. Soudain, il s’est emparé d’une pelle pointue qui était suspendue à un clou près de la porte de l’étable et il l’a abattu de toute ses forces sur le cou de la pauvre bête. Je n’en croyais pas mes yeux ! Comment avait-il pu avoir une telle idée ? Mon gentil cousin s’était transformé en monstre. Il riait aux éclats et mon regard horrifié a semblé augmenter son plaisir. Il a alors donné un coup de pied à la tête qui est allée rouler plus loin et le gros berger de mon oncle s’est précipité pour l’attraper et la croquer, faisant encore plus esclaffer Antonin. Le coeur m’a levé et je suis parti, complètement bouleversé. Juste avant de sortir de l’étable je me suis tourné juste à temps pour voir Antonin se servir de la pelle pour ramasser le corps sans tête. 


J’ai passé ensuite le reste de l’après-midi au salon à regarder la télé. Antonin est venu me rejoindre, mais je ne lui ai pas parlé et je n’ai même pas tourné les yeux vers lui. À un moment donné, il s’est levé et il m’a donné une claque en arrière de la tête avant de s’en aller vers la cuisine. Je n’ai pas été les saluer quand ils sont partis, passant pour un sauvage aux yeux de ma mère, et je n’ai jamais plus voulu accompagner mes parents lors de leurs visites familiales.  

mercredi 15 février 2012

El ruido de las cosas al caer, un roman de Juan Gabriel Vasquez


El ruido de las cosas al caer est un roman de Juan Gabriel Vasquez, un écrivain colombien né à Bogota en 1973 et qui vit présentement à Barcelone après avoir vécu successivement en France et en Belgique au cours des dix dernières années. Ici, un lien avec une entrevue vidéo, sous-titrée en français, de Juan Gabriel Vasquez.

Le bruit que font les choses en tombant n’est pas encore traduit en français, mais cela ne devrait pas tarder. Il a en effet remporter le prix Alfaguara du meilleur roman 2011, voir le lien ici. Ce n’est pas rien, car ce prix est doté d’une bourse de 175,000 $ en plus de permettre à son lauréat d’être diffusé à travers tout le monde hispanique.

Historia secreta de Costaguana, le roman précédent de Juan Gabriel Vasquez a été publié en espagnol en 2007 et traduit en français en 2010 sous le titre de Histoire secrète du Costaguana, alors que Les Dénonciateurs, traduction de Los Informantes parut en 2004, a été publié en français en 2008.

Personnellement, je n’ai pas beaucoup apprécié Histoire secrète du Costaguana que j’ai lu en français. Malgré que Juan Gabriel Vasquez a déclaré avoir écrit ce roman avec l’idée de s’opposer à l’influence du réalisme magique de Gabriel Garcia Marquez, j’ai, à tord ou à raison, car je n’ai pas analysé mon sentiment en profondeur, fortement ressenti le contraire. Une forte impression de ressemblance avec Cent ans de solitude m’a en effet rebuté dans ce roman qui se déroule entre la Colombie et Panama à l’époque de la sécession de ce dernier.

J’ai beaucoup plus apprécié Los Informantes que j’ai découvert lors de l’un de mes séjours en Colombie. La façon qu’a Vasquez de remonter le temps afin de chercher des réponses aux questions du narrateur sur l’histoire de la vie son père m’a fasciné. Par contre, j’ai été un peu déçu par l’enjeu de cette enquête : le rôle et les effets des dénonciations dans l’élaboration d’une liste de suspects de sympathies nazies pendant la deuxième guerre mondiale. En comparaison avec tous les violences qui se sont produites en Colombie au cours des siècles, le sort de ces allemands retenus prisonniers dans un hôtel pendant quelques années ne m’a beaucoup touché, malgré que l’un d’entre eux, le père de l’un des amis du narrateur, se soit suicidé.

Avec El ruido de las cosas al caer, l’auteur affine son art et réussit cette fois à complètement me captiver avec son histoire qui se déroule en Colombie au cours des quarante dernières années.

Le narrateur commence son récit au milieu de l’année 2009 lorsqu’un hippopotame est abattu près du fleuve Magdalena. La nouvelle a fait sensation dans le pays. L’hippopotame est un animal africain. Il n’y a pas d’hippopotame en Colombie, sauf dans les zoos. L’animal avait été acheté par Pablo Escobar, le célèbre chef du cartel de Medellin qui a été tué par la police en 1994. Son zoo privé, un des plus importants de Colombie, avait alors été abandonné à lui-même. Certains animaux avaient été confié à d’autres zoos, mais les hippopotames s’étaient échappés et étaient retournés à la vie sauvage, causant parfois des dommages aux cultures et menaçant la sécurité des gens.

En écoutant cette nouvelle, Antonio Yammara, le narrateur, se rappelle alors le moment où il a fait la connaissance de Ricardo Laverde alors qu’il jouait au billard dans une salle de jeu de Bogota en décembre 1995. Un appareil de télévision était allumé. À l’heure des nouvelles et, après l’annonce d’un nouvel attentat visant une personnalité politique, un reportage sur l’hacienda abandonnée de Pablo Escobar fut présentée expliquant les difficultés qu’avaient les autorités à gérer cet héritage. Une voix s’éleva alors parmi les joueurs d’une autre table : «Que vont-ils faire avec les animaux ? Ils meurent de faim et personne ne s’en préoccupe». C’était Ricardo Laverde.

Cet homme d’une cinquantaine d’années qu’on disait récemment libéré d’une sentence de vingt cinq ans de prison intrigua Antonio et, au cours des semaines qui suivirent, il tenta de s’en faire un ami. Il y parvint plus ou moins, mais jamais il ne put le faire parler sur son passé. En réponse à son insistant questionnement, Laverde lui dit : «yo mi vida no se la cuento a cualquiera. No confunda el billar con la amistad» (Moi, ma vie, je ne la raconte pas à n’importe qui. Ne confond pas le billard avec l’amitié).

Quelques semaines après ce refus, alors qu’ils marchaient tous les deux sur le trottoir, une moto s’approcha d’eux et le passager armé d’un pistolet les cribla de balles. Laverde mourut sur le coup. Antonio survécut à ses blessures, mais resta dépressif.

Trois ans plus tard, il reçut un appel de la fille de Laverde, Maya. Elle voulait le rencontrer pour savoir ce qui s’était passé les dernières semaines de la vie de son père. Lors de cette rencontre elle lui révèle tout ce qu’elle a pu apprendre au cours de l’enquête qu’elle a menée pour connaître cet homme qu’elle n’a pratiquement pas connu, car il a été emprisonné alors qu’elle avait 8 ans et sa mère lui avait alors dit qu’il était mort. C’est l’histoire d’une vie qui s’imbrique dans l’histoire de la Colombie des années 70 et 80, plus proche cependant du trafic de la drogue que des luttes politiques qui ont déchirées et déchirent encore ce pays.