vendredi 11 mai 2012

El Hombre que amaba a los perros - L'Homme qui aimait les chiens, un roman de Leonardo Padura


Je viens de terminer la lecture en espagnol du roman El Hombre que amaba a los perros de l’auteur cubain Leonardo Padura et j’aimerais vous en parler parce que je l’ai trouvé très intéressant. 


                                                                                           
El hombre que amaba los perros (Maxi Tusquets) (Spanish Edition)



Je l’avais un peu mis de côté au cours des deux dernières semaines parce qu’en jetant un regard en passant sur les tablettes de la bibliothèque de ma blonde, mon regard était resté accroché sur 1491 ; une essai-synthèse (voir ici la page du livre sur Amazon et ici l'édition française sur le site de Renaud-Bray) d’un journaliste scientifique américain, Charles C. Mann, sur les plus récentes recherches archéologiques, anthropologiques et historiques au sujet des Amériques d’avant l’arrivée de Christophe Colomb ; dont elle m’avait plusieurs fois recommandé la lecture. En plus, tout en lisant ce livre absolument formidable, j’y ai découvert une référence à One vast winter count de Colin C. Calloway que j'ai aussi commencé à lire sur l'exemplaire numérique que je me suis acheté sur Google Books (voir ici). One vast winter count s'est en effet avéré être une passionnante histoire des indiens de l’ouest de l’Amérique du Nord d'avant l’expédition Lewis et Clark (1804-1806) envoyée par le Congrès américain pour explorer les territoires que les États-Unis ont acheté à la France en 1803. 


Comme j’avais pris mon exemplaire de El hombre que amaba a los perros à la Bibliothèque Nationale et que je ne pouvais pas renouveler mon emprunt parce que quelqu’un d’autre l’avait réservé, j’ai dû laisser tomber mes nouvelles lecture pour retourner lire rapidement ce qui me restait à lire du roman de Padura afin de pouvoir le remettre.


Pourquoi je m’étais intéressé à ce roman ? Je connaissais son auteur, Leonardo Padura, pour avoir déjà lu deux de ses romans précédents faisant partie d’une série ayant comme personnage principal Mario Conde, un policier de La Havane. Ces deux romans ne m’avaient pas vraiment épatés pour ce qui est de l’intrigue policière, mais, par contre, la description qu’on pouvait y trouver de la vie quotidienne à Cuba m’avait beaucoup intéressé. Je les avais lu en espagnol avec l’idée de me pratiquer à lire dans cette langue et c’est aussi dans ce but que j’ai fait de même avec El Hombre que amaba a los perros. Cependant le livre est disponible en français sous le titre L’homme qui aimait les chiens (voir ici la page de Renaud-Bray).



El hombre que amaba a los perros n’est pas un roman facile, car sa lecture exige une bonne base historique que l’on peut toutefois combler en cours de lecture en consultant Wikipedia, mais il en vaut la peine parce qu'il met en scène des événements qui ont marqué le 20e siècle tout en continuant à exercer une influence sur ce que nous vivons présentement.
Trois univers sont décrit dans le roman et se partagent à tour de rôle les différents chapitres. 
Cela commence d’abord par l’univers de Yvan, un cubain qui après la mort de sa femme se met à être hanté par le souvenir d’un homme qu’il a rencontré un jour, il y a plus de trente ans, sur la plage de Guanabo. Guanabo fait partie des plages situées à moins de vingt kilomètres de La Havane et qui sont très fréquentées par les cubains contrairement à d’autres plages, certes plus réputées internationalement, mais quasiment interdites aux locaux. Or, je connaissais déjà las playas del este pour y avoir séjourné à deux reprises dans le passé et cela a contribué à augmenter mon intérêt pour ce récit. Ce mystérieux inconnu, qui est toujours accompagné d’un chauffeur qui se tient en retrait, vient faire courir ses deux chiens sur la plage. Des chiens russes absolument introuvables à Cuba, mais que Yvan connaît parce qu’il travaille comme rédacteur pour une revue de vétérinaires, un travail qu’il a accepté après avoir été écarté de la carrière d’écrivain dont il rêvait parce qu’il ne s’était pas conformé aux règles imposées par le régime castriste. Les deux hommes commencent à échanger ensemble et petit à petit, au fil de leurs rencontres, l’inconnu lui raconte la vie d’un homme qu’il présente comme son ami, mais qui s’avérera finalement être lui-même. Cet homme, c’est Ramon Mercader, l’assassin de Trotsky.   
Le deuxième univers qui compose la trame de ce roman est celui de Trotsky. Un Trotsky que l’on retrouve en 1929 en Turquie après que Staline l’eut expulsé d’URSS. Cette partie du roman, quoique très intéressante, est un peu exigeante pour le lecteur, car il est nécessaire de connaître un peu l’histoire de l’URSS pour s’y retrouver. Mais, comme je l’ai dit précédemment, Wikipedia est là pour rafraîchir la mémoire quand c’est nécessaire. Trotsky, donc, le compagnon de Lénine et le fondateur de l’Armée Rouge est sorti défait de la lutte pour le pouvoir engendrée par la mort de Lénine et c’est Staline et la bureaucratie du parti qui a gagné. Réfugié pendant plusieurs années en Turquie, il essaie de rallier ses sympathisants pour s’opposer à la mainmise de Staline sur les mouvements marxistes du monde entier. Se sentant trop éloigné, il demande l’asile politique à la France qui accepte mais à la condition qu’il réside à l’extérieur de Paris et qu’il s’abstienne de toute activité politique, ce qui est bien sûr impossible. Il est donc expulsé deux ans plus tard, en 1935, et va se réfugier en Norvège où un gouvernement socialiste lui accorde une certaine sympathie. Mais il doit encore partir sous la pression à la fois des fascistes et du parti communiste norvégien pour aller au Mexique en 1937, où le peintre Diego Rivera et sa femme Frida Kahlo l’accueillent dans leur maison. Il y sera assassiné en 1940. 
Le troisième univers du roman est celui de Ramon Mercader, un militant communiste espagnol recruté par la NKVD, la police secrète de Staline. Là encore, il faut une certaine connaissance du contexte historique pour s’y retrouver dans ce méli-mélo de luttes fratricides qui caractérise la guerre civile espagnole. Rappelons brièvement que cette guerre a été déclenchée en 1936 par un coup d’état militaire mené par le général Franco pour s’opposer à l’élection d’un gouvernement socialiste. Les troupes fidèles au gouvernement étaient toutefois divisées entre plusieurs factions : communistes, socialistes, anarchistes, nationalistes, et ils allèrent jusqu’à se battre entre eux pendant que l’armée de Franco les attaquait. Plusieurs écrivains célèbres (Malraux, Hemingway) ont écrit des romans qui racontent ce conflit qui a fait près de un million de morts dans un pays qui comptait 26 millions d’habitants. Retiré des combats par un conseiller soviétique qui était l’amant de sa mère, Mercader reçoit un entraînement spécial et il est ensuite envoyé à Paris sous une nouvelle identité, Jacques Mornard. Il y fera connaissance avec une jeune américaine trotskiste qui l’introduira auprès de son chef. 
Ce qui m’a étonné dans ce roman, c’est sa critique du régime cubain à travers la critique du stalinisme. Je ne pensais pas qu’un écrivain cubain vivant à Cuba et non exilé ailleurs dans le monde pouvait se permettre d'écrire aussi librement. Quoique le nom de Castro n’y apparaît jamais, il est clair que les problèmes vécu par Yvan, le personnage de l’écrivain cubain, au cours de sa vie sont liés au fait qu’il vit sous un régime du même type que celui que Staline a imposé en URSS.
J’ai trouvé (ici) une critique du roman de Padura qui souligne que pour un auteur qui se targue d’être un journaliste d’enquête et auteur de romans policiers il est étrange qu'il ne soulève pas la question de savoir pourquoi Castro a accepté que Mercader trouve refuge à Cuba après qu’il eut purgé sa peine de 20 ans de prison pour le sordide assassinat qu’il a commis.
   
Cette critique est selon moi pertinente, mais elle n’enlève rien aux qualités littéraires de ce roman. 

Trotsky avait une relation particulière avec les chiens. Il les disait très intelligents, car ils pouvaient le comprendre peu importe la langue qu'il utilisait : russe, anglais, français ou espagnol. Mercader aimait lui aussi beaucoup les chiens et les deux avec lesquels il allait se promener sur la plage de Cuba étaient de la même race que celui que Trotsky a le plus aimé au cours de sa vie : Maya la chienne qui l'a accompagné au cours de son exil en Turquie. Pendant la période où il visitait Trotsky avant de l'assassiner, Mercader en était venu à craindre de ne pouvoir le faire à cause de la façon que celui-ci aimait les chiens. Quant à Yvan, lui aussi il aimait beaucoup les chiens. 



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