vendredi 17 mai 2013

Juan de Zumarraga, le Frantses qui gardait des cochons


Voici l'introduction d'un premier chapitre de ce qui pourrait peut-être un jour être une plus longue histoire. Il s'agit du personnage dont je vous ai parlé dans mon dernier blog et qui, finalement, n'est pas mort-né. 




Juan se disait basque. C’est d’ailleurs sous l’appellation de Juan de Zumarraga, le nom de la vallée dont il était originaire, qu’il doit sûrement figurer sur une ou l’autre des nombreuses listes d’enrôlement d’équipages que l’on peut trouver dans les dépôts d’archives de son époque. Quant à une preuve plus tangible de sa naissance, par exemple une attestation de baptême, mieux vaut ne pas trop y penser. À Zumarraga, ce n’est qu’à partir de 1576 que les registres paroissiaux ont commencé à être tenus d’une façon rigoureuse, soit une bonne soixantaine d’années après la naissance de Juan. 

Sa mère s’appelait Jeanne. Elle n’était encore qu’une enfant quand ses parents, un Gascon et sa compagne qu’on appelait la Frantsesa (la Française en Euskara, la langue basque) vinrent travailler aux récoltes sur le domaine des Etchedorry situé sur les flancs du mont Beloqui pas très loin d’un réputé ermitage dont le nom, Zumarraga, avait été adopté pour nommer la vallée toute entière. À la fin de la saison, le couple laissa sa fille comme servante dans la maison de Luis Abitzu Etchedorry, le maître du  domaine. Celui-ci l’engrossa quelques années plus tard, peu après ses premières règles. 

Juan n’a pas gardé beaucoup de souvenirs de sa mère, car il devait avoir environ quatre ans quand elle mourut des suites d’une fausse couche, le laissant avec sa sœur Adela, née environ un an après lui, aux soins des domestiques de la maison. Cependant, comme Jeanne lui avait toujours parlé en français, si du moins l’on pouvait qualifier ainsi le patois qu’elle baragouinait, c’était un héritage dont il était très fier et que, contrairement à sa sœur, il s’était toujours efforcé de le cultiver en cherchant à s’exprimer dans cette langue toutes les fois que c’était possible. Ce qui, l’été, était assez fréquent parce que Zumarraga est située sur une route qui permettait de relier deux des plus importantes branches du célèbre chemin de Compostelle.    

À la ferme, l’Euskara était prédominant, car c’était la langue du patron et de sa famille. Cependant, pour les récoltes, ils engageaient des travailleurs saisonniers en provenance de tous les pays avoisinants. On pouvait donc y entendre, selon les années, tout autant le castillan que le catalan, le galicien ou le gascon.    

Il faut dire qu’à la naissance de Juan, l’État espagnol comme on le connaît aujourd’hui venait tout juste d’être constitué. En effet, ce n’est qu’en 1492 qu’Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon réussirent à unir les différentes entités politiques qui occupaient la péninsule ibérique, à l’exception du Portugal. La vallée de Zumarraga faisait et fait toujours partie du Guipuzcoa, l’une des trois provinces basques espagnoles, qui fut incorporée au Royaume de Castille en 1200. Cette vallée d’à peine trois kilomètres de large sur dix kilomètres de long ne se trouve pas très loin des sources de l’Urola, une rivière qui se jette soixante kilomètres plus loin dans la mer Cantabrique. Sa population composée d’environ 800 âmes et essentiellement de vocation agricole à l’époque où Juan y vivait, avait l’étrange particularité de s’être établie sur le flanc des montagnes où elle s’échinait depuis des siècles à cultiver des terres qui ne donnaient que de médiocres rendements alors que les fertiles terres du fond de la vallée étaient laissées en friche. C’est que, à cause de la pluviosité de son climat et de l’imperméabilité du sol des pentes des montagnes environnantes, les eaux de l’Urola étaient sujettes à de subites hausses de niveau qui entraînaient de fréquentes inondations. Ces débordements pouvaient non seulement détruire les récoltes, mais entraînaient aussi la formation de marécages qui avaient la réputation de favoriser l’éclosion de maladies. 

C’est dans cette forêt marécageuse qui couvrait le fond de la vallée des deux côtés de la rivière Urola que quelques années après la mort de Jeanne on envoya Juan et Adela garder les cochons. 

Proches parents des sangliers sauvages, ces petites bêtes laineuses noires se distinguaient des gros porcs blancs que l’on gardait à longueur d’année à la ferme et que l’on engraissait avec soin afin d’assurer la production du lard salé, un aliment de base, mais aussi un produit qui se vendait bien sur le marché de l’approvisionnement des navires de haute mer. Chaque année, Abitzu Etchedorry en envoyait plusieurs tonneaux à un commerçant de Deba, sur la côte. Les petits cochons maigrichons de la vallée de Zumarraga étaient, quant à eux, réputés pour le jambon qu’on en tirait et dont la plus grande partie était exportée vers Pampelune, la capitale du royaume de Navarre située plus à l’est et, de là, à Barcelone, la capitale de la Catalogne.    

Il n’y a pas de doute que les porcs qu’on avait confiés à Juan et Adela ...





La suite est en lecture libre et téléchargeable sur le site Atramenta que vous pouvez joindre en cliquant ICI

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire