mardi 4 septembre 2012

La correction, participation aux Impromptus littéraires


Voici ce que j'ai écrit pour participer au thème de la semaine sur le site des Impromptus littéraires. Il s'agissait d'écrire un texte selon directive suivante : 
Le mot correction a pris des sens très différents.
Dites-nous, en vers ou en prose, ce qu’il évoque pour vous.



La correction

La leçon fut donnée par l’équipe de soir tout de suite après le départ des patrons, vers 17 heures. Nous étions en négociations pour le renouvellement de la convention collective et, en guise de moyen de pression, le mot d’ordre avait été lancer de refuser de faire du temps supplémentaire. 

Dès 15 heures, la rumeur s’était répandue que l’un des pressiers de l’équipe de jour continuait de travailler. Alerté, le délégué syndical se rendit auprès de celui-ci pour lui rappeler, presque en s’excusant car c’était un homme qu’il respectait énormément, qu’il ne devrait pas être là. L’autre lui répondit qu’il devait terminer ce travail, car il était promis pour le lendemain et qu’il n’y avait personne d’autre qui pouvait le faire. Peu importe, lui a répondu le délégué, il faut que tu obéisses au mot d’ordre sinon tu risques d’avoir des ennuis. Mais l’homme avait la tête dure et il n’arrêta pas sa machine. 

Dans l’atelier, l’agitation était à son comble. Les ouvriers allaient d’un poste de travail à l’autre pour discuter de ce qu’il fallait faire. Puis, d’un commun accord, tous arrêtèrent leur machine pour se diriger, avec plus ou moins de détermination selon chacun, vers l’unique presse encore en opération. Le délégué fut le dernier à se joindre à eux. Il les suivit en se traînant les pieds. En silence, ils entourèrent le travailleur récalcitrant qui, par réflexe devant l’éminence d’un problème, tendit la main vers le tableau de contrôle pour interrompre l’approvisionnement en papier de la presse et stopper ensuite son moteur. Personne n’osait prendre la parole le premier et, finalement, tous se tournèrent vers le délégué qui se tenait un peu en retrait. Mal à l’aise, celui-ci s’avança devant le pressier et, après s’être raclé la gorge, il lui dit qu’il devait s’en aller sur le champ. L’autre protesta. Un coup de poing en provenance de l’un des plus véhéments partisans de la manière forte s’abattit sur sa mâchoire. Le délégué s’interposa immédiatement, prit la victime par les épaules et le poussa rapidement vers la porte de sortie.      

La correction vint deux ans plus tard. Entre temps, l’entreprise avait fermé ses portes, laissant sur le pavé une centaine de travailleurs qui s’étaient tous lancés en même temps dans une course à l’emploi rendue encore difficile par le contexte économique. Un jour, l’ex-délégué syndical vit une annonce dans le journal offrant un poste dans son domaine de travail. Il se rendit sur place, rencontra le directeur des ressources humaines avec qui il eut une très prometteuse conversation et ils effectuèrent ensuite ensemble une visite de l’usine. En chemin, ils croisèrent un homme que le directeur lui présenta comme étant son nouveau contremaître. Cependant, contrairement au bon usage, celui-ci ne s’avança pas pour lui serrer la main, mais pris plutôt le directeur par le bras pour l’amener à l’écart et s’entretenir avec lui à voix basse tout en jetant un regard noir vers l’ex-délégué. C’était l’homme qui avait reçu le coup de poing. 

Affichant un sourire des plus aimables qui contrastait avec la froideur de son regard, le directeur revint vers le demandeur d’emploi pour lui expliquer qu’il devait interrompre la visite qu’ils étaient en train de faire, car un grave problème requerrait son attention immédiate. Tout en l’entraînant vers la porte de sortie, il l’avisa qu’il présenterait sa candidature au bureau de la direction et qu’on l’appellerait dans les semaines suivantes si elle était retenue.    

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